Gommer les différences
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- Publication : jeudi 4 octobre 2012 09:20
GOMMER LES DIFFÉRENCES
Les défenseurs de la famille, par souci de ne pas heurter leurs contradicteurs ou parce qu’ils n’ont pas le toupet de ces derniers, préfèrent souvent éviter la discussion philosophique pour se placer sur le plan des conséquences pratiques. C'est ainsi qu'ils justifient le mariage et ses obligations par la protection qu'il apporte au plus faible (enfants ou conjoint dépendant financièrement) et la politique familiale par ses effets bénéfiques sur l'économie ou sur le régime des retraites.
Ces arguments sont d'autant plus gênants pour les adversaires de la famille qu'ils sont vrais. Il convenait donc de démontrer que les couples de concubins sont aussi stables que ceux de personnes unies par les liens du mariage ou que les enfants ne souffrent pas de la séparation de leurs parents.
En voici deux exemples extraits de Familles et politiques sociales, publié aux éditions l'Harmattan en 1996 qui montrent, dans le premier cas, comment faire dire aux chiffres le contraire de ce qu’ils veulent dire et, dans le second, comment faire dire à un texte le contraire de ce qu’il dit.
La cohabitation a- t- elle remplacé le mariage ?
Les expériences conjugales des célibataires en couple sont à peine plus nombreuses que celle des personnes mariées. Parmi les hommes, les premiers ont vécu en moyenne 1,32 fois en couple, les mariées 1,14 fois. Pour les femmes, la différence et un peu plus faible : 1,22 contre 1,09. La différence entre 1,32 et 1,14 est de 0,18 ; celle entre 1,22 et 1,09 de 0,13, un peu plus faible. Tel est, en substance, le raisonnement dont nous avons souligné les résultats. Mais, en réalité, célibataires en couples ou personnes mariées, les expériences qualifiées de conjugales ne peuvent, par définition, être inférieures à un. Il en résulte que c’est le rapport de 0,32 à 0,14 qui donne la mesure des différences de comportement. Il est égal à 2,3. Les expériences conjugales des célibataires sont donc beaucoup plus nombreuses que cellesdes hommes mariés. Pour les femmes, le rapport de 0,22 à 0,09 est de 2,4. Il est un peu plus fort. L'on pourrait, s'il s'agissait de la copie d'un candidat au certificat d'études, plaider l'ignorance. Il semble difficile de le faire pour Catherine Villeneuve-Gokalp, auteur de ce subterfuge, dans un article intitulé la démographie aux prises avec les nouveaux comportements familiaux. C.V.G. est chercheur à l'Institut national d'études démographiques, auteur de Constance et Inconstances de la famille et elle a conduit, en 1994, une enquête sur les situations familiales.
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Plus récemment, c'est la notion de « dissociation familiale » qui a été mise en avant pour rendre compte des troubles « névrotiques » ou caractériels présentés par les enfants. Moralistes et psychanalystes, décidément réconciliés, s'accordent à nouveau sur ce point. Et sans doute, il est vrai que dans un grand nombre de cas, nous nous trouvons en présence de difficultés familiales, de situations irrégulières, de dissentiments plus ou moins graves, de désordres de la conduite ou de tares diverses chez les parents. Il n'y a rien là que de compréhensible et même de prévisible dans la perspective qui est la nôtre. Les troubles du comportement d'un enfant doivent tenir, soit à des anomalies biologiques, soit à ses conditions de milieu, soit aux deux toujours assez artificiellement séparés. Mais ( la/La) psychiatrie infantile, dans son ensemble, va-t-elle beaucoup au-delà de ces constatations, s'interroge-t-elle sincèrement sur les causes profondes de ces dissociations familiales, propose-t-elle les vrais moyens d'y remédier ?(NE/ ne) tend-elle pas ( plutôt/ainsi) à créer un mythe nouveau, à réifier des manifestations qu'elle isole artificiellement d'un contexte social en dehors duquel elles n'ont pas d'existence( ?). Le texte complet est extrait de Quelle psychiatrie pour notre temps ? Travaux et écrits de Louis Le Guillant (p.216, Erès, 1984). Les parties en gras constituent l’extrait qu’en donne Nadine Lefaucheur, avec en parenthèses ses arrangements, sous le titre Dissociation familiale et délinquance juvénile ou la trompeuse éloquence des chiffres L’auteur de ce découpage d’une trompeuse éloquence est chargée de recherche au CNRS et son travail a été financé par la Caisse nationale d’allocations familiales et la Mission du Bicentenaire !
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Famille et Liberté - Lettre N° 14 - Septembre 1998
PS. : à la suite de la publication, en septembre 1998, de ce texte dans le numéro 14 de la Lettre d’Enseignement et Liberté le directeur de la publication a reçu une lettre signée conjointement par les deux savantes, sur le papier à en-tête de l’employeur de l’une d’elles et dans une enveloppe de celui de l’autre, le menaçant des foudres de la justice, menaces restées sans effet six ans après
Depuis, C.V.G. a été chargée de conduire une, et peut-être plusieurs, nouvelle enquête sur les situations familiales.
Nadine Lefaucheur à qui nous avions demandé, préalablement à notre publication, de nous donner les références « d’une enquête rétrospective sur le pronostic des troubles du caractère chez l’enfant » qui « conclut en particulier à l’absence de corrélation significative entre l’expérience de la dissociation familiale faite par les sujets au cours de leur enfance ou de leur adolescence et leur adaptation sociale ultérieure » dont elle fait état dans son texte ne nous les a jamais données, pas plus qu’elle ne l’avait fait dans sa bibliographie. La recherche que nous avons menée dans la publication de l’association