Les voeux du Président
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- Publication : mardi 2 octobre 2012 13:35
Les vœux du Président
Le Parlement a donc adopté le projet de loi créant une « Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité » (projet B).
Le gouvernement avait introduit, après le premier vote du projet à l’Assemblée nationale, des amendements reprenant les principales dispositions d’un autre projet de loi, relatif à « la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe » (projet A).
Ce dernier projet avait en effet été retiré à la suite de l’avis négatif de la Commission nationale consultative des droits de l’homme qui le jugeait, non sans raisons, attentatoire à la liberté d’expression.
Je ne m’attarderai pas ici sur la différence, peut-être plus apparente que réelle, entre les deux projets, le projet B, adopté, limitant les cas de discriminations punissables envers les homosexuels aux aspects pratiques (logement, emploi) de la vie et préservant (implicitement, mais pas explicitement) le droit d’exprimer son opposition à l’homoparentalité et à l’homomatrimonialité (j’emploie le premier terme par lassitude et je forge le second par homogénéité avec les formations vicieuses que les hérauts de l’homosexualité semblent affectionner).
Ce que je retiens, ici, de cette variation, c’est qu’elle a permis à des parlementaires de voter en faveur du projet de loi remanié, alors qu’ils n’auraient pas voté la version initiale ; c’est du moins ce que M Pascal Clément, rapporteur du projet B à l’Assemblée nationale, a affirmé à la tribune et l’argument central de la réponse toute faite que des sénateurs nous ont adressée en réponse à notre courrier.
Les motifs des projets
Pour légiférer d’une façon extraordinaire en faveur d’une catégorie de citoyens, il faut des raisons extraordinaires. L’on était donc en droit d’attendre de la part des rapporteurs du projet B au Parlement, des ministres et des parlementaires au cours des débats, à des informations statistiques et à de nombreux exemples montrant l’étendue et la gravité des manifestations d’homophobie dans notre pays.
Il n’en a rien été.
Le cas Nouchet
M. Nouchet, homosexuel n’en faisant pas mystère, a été, il y a un an, victime d’agresseurs qui l'ont grièvement brûlé après l’avoir aspergé d’essence et traité de pédé.
Le président de la République avait alors écrit au compagnon de la victime pour lui exprimer sa « profonde indignation » et l’assurer que les responsables de ce « crime odieux » seraient « arrêtés et sanctionnés comme ils le méritent ».
M. Perben, garde des Sceaux, avait en présentant le projet A, au mois de juin dernier, déclaré qu’il s’agissait « au fond quelque part » (Dépêche AFP du 23 juin 2004) d’une loi Nouchet et plusieurs orateurs sont revenus sur ce cas lors des débats.
Dans un entretien publié sur le site homosexuel www.e-illico.com M. Nouchet raconte comment il a été agressé en 2001, par deux jeunes qui, après qu’il leur eut refusé les clefs de sa voiture, l’ont roué de coups, lui ont arraché ses clefs et sont partis avec la voiture.
M. Nouchet a porté plainte, et identifié un de ses agresseurs qui a été arrêté. C’est alors qu’ont commencé les menaces, les bris de vitres de sa maison et enfin l’agression par trois jeunes, celui qui a allumé son briquet lui criant « Tu vas crever sale pédé ».
A la question : « Auparavant aviez-vous, Patrice et vous, été victimes d’agression, d’actes ou d’insultes homophobes ? » M. Nouchet répond : « Jamais. Nous n’avions jamais été interpellés ou insultés parce que nous sommes homos. Nous n’avions connu aucun ennui. En fait, tout a commencé par ce banal vol comme il en arrive tous les jours. Après pour nous intimider, on a cassé les vitres de notre maison et on a, par deux fois, mis le feu à notre porte. A chaque fois, nous avons porté plainte et il y a même eu des arrestations et des condamnations. Je sais d’ailleurs qu’une personne purge encore sa peine. »
De ce récit, il ressort sans ambiguïté que, lors de la première agression, ni M. Nouchet, ni son orientation sexuelle n’étaient connus de ses agresseurs ; que la seconde agression est la conséquence directe de la plainte qu’il a eu le courage ou l’inconscience de déposer, et non de son homosexualité.
M Perben connaissait-il la réalité des faits quand il a rédigé le projet de loi initial et les amendements au second projet ?
Les autres cas
Dans une intervention à l’Assemblée nationale, le 7 décembre, M. Perben a déclaré : « Revenons à l’essentiel. La société française est confrontée, d’une part à une montée du racisme et de l’antisémitisme et, d’autre part à une montée de l’homophobie. Les statistiques, tant du ministère de la justice que ministère de l’intérieur en témoignent. »
S’il existe des statistiques de l’homophobie, pourquoi ni le garde des Sceaux ni les rapporteurs n’en ont-ils cité aucune ? Pourquoi la personne responsable du dossier au sein du groupe UMP de l’Assemblée n’a-t-elle pu nous donner aucune statistique ni d’autre cas que celui de Sébastien Nouchet, en juin dernier, après le dépôt du projet de loi A ? Je crains fort que le racisme et l’antisémitisme ne soient là que pour justifier la référence aux statistiques et je partage plutôt l’opinion de Mme Olin, ministre délégué à l’Intégration, appelant à « une réflexion sur l’invisibilité statistique », le 23 novembre, au Sénat.
A ces « informations », M. Perben a ajouté ce qu’il avait vu et entendu lors de matchs de football et M. Borloo, ministre de l’Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale, a évoqué « un incident à connotation familiale qui s’est déroulé à l’aéroport de Nice voici quelques semaines ». En dehors d’un cas de coups portés à un homosexuel par un agresseur cité par M. Clément, sur lequel nous reviendrons si nous pouvons obtenir des précisions, voilà tout ce que nous avons trouvé comme justifications d’une « montée de l’homophobie ».
Les vœux du Président
Le motif réel des deux projets de loi, de l’avis de la majorité comme de celui de l’opposition, est de répondre aux vœux du président de la République.
Pour la majorité, il s’agit d’un engagement pris à Troyes par M. Chirac, pendant la campagne électorale, pour M. Patrick Bloche, du parti socialiste l’engagement n’a pas été « pris à Troyes, en juin 2002, mais six mois plus tôt, en mars (sic), à l’occasion d’une interview accordée à un mensuel, le magazine Têtu ».
Nous avions signalé dans le numéro 28 de cette Lettre, la publication de cet entretien, dans le numéro d’avril, paru avant le premier tour des élections présidentielles, et non de mars, de ce journal « destiné aux gays et lesbiennes ».
Janvier 2005