Euthanasie.- Fin de vie
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- Publication : mardi 3 avril 2018 14:20
Audition au CCNE de Famille et Liberté le 30 mars 2018.
Intervention de Jean-Marie Schmitz
Le débat sur la fin de vie et l’euthanasie est essentiel car il est indissociable du regard que l’on porte sur l’homme. N’est-il qu’un amas de cellules, un peu de matière destinée à retourner au néant ou
y a-t-il en lui quelque chose qui empêche de disposer de sa vie ? La révélation chrétienne a apporté sa réponse, mais bien avant elle Aristote avait perçu que l’être humain comporte une part de sacré :
« Il ne faut pas croire, dit-il dans l’Ethique à Nicomaque (livre X, chap7) ceux qui disent que puisque l’homme est un homme il doit se limiter aux choses humaines. »
C’est en ayant cela présent à l’esprit que doit être abordée cette très délicate question. Nous le ferons en évoquant 4 points :
1/ Il faut se défier des sondages qui montreraient une adhésion massive de l’opinion à « mourir dans la dignité » comme le disent les partisans de l’euthanasie. Il faut s’en défier à la fois à cause de l’ambigüité des questions -qui ne souhaite pas « mourir dans la dignité» - et parce que ce sont des personnes bien-portantes qui y répondent. Beaucoup plus proche de la vérité nous paraît être l’étude menée sur deux ans par Jeanne Garnier auprès de ses patients : sur 2157, seuls 61 (3%) ont formulé une demande d’euthanasie. Et cette demande n’a persisté plus de 48h que pour 6 patients (0,3%). Mais il faut dire que Jeanne Garnier est selon l’expression du Professeur Sicard « un lieu où on a envie d’être, où il y a une espèce de douceur. » parce qu’on s’y occupe et préoccupe des patients, alors que « l’hôpital n’est pas un lieu d’accueil de la mort ». « L’humanisme n’est pas du côté de la mort, mais de l’entraide au bord du gouffre « (Damien Le Guay)
2/ C’est pourquoi il importe de développer massivement les soins palliatifs dont le même Professeur Sicard nous dit que, malgré ce qu’ont prévu plusieurs lois, ils restent un « cache-misère » ; « autant,
dit-il, les médecins et infirmières de soins palliatifs sont des personnes admirables, autant leur rôle est ultra marginal. Il ne va concerner que 30.000 personnes au maximum sur les 200.000 qui devraient en bénéficier. La France est le seul pays européen qui n’a pas donné à la médecine palliative une place universitaire. »
3/Soulager la douleur physique, ce que l’on sait très bien faire aujourd’hui, ne suffit en effet pas. Ce sont les relations qui maintiennent dans la vie. Quel regard porte-t-on sur la personne en fin de vie ou handicapée, quelle image d’elle lui renvoyons-nous ? Lui faisons-nous percevoir qu’elle est une gêne, un poids pour la société ou au contraire qu’elle est toujours utile, ne serait-ce qu’en
rassemblant la famille à son chevet, en retissant ainsi des liens parfois un peu distendus ou malmenés par l’existence ? Il y a des multitudes de témoignages bouleversants sur ce point ; sachons les comprendre: ils nous montrent que la période précédant la mort est un moment essentiel, où tout peut être dit, partagé, transmis, où l’agonisant peut avoir la joie de dire son affection, son amour et de les recevoir de ceux qui restent, où un pardon peut être donné, qui permet de bien mourir et aux proches de bien vivre. C’est ce qu’exprimait Paul Ricœur: « il importe d’être vivant jusqu’à sa mort. »
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4/ C’est pourquoi il faut refuser la mort par sédation, qualifiée par le Professeur Etienne Hirsch de « reniement de notre devoir d’humanité », et la légalisation de l’euthanasie. Il faut écouter ce que nous disent les 10.000 soignants et les 6.000 bénévoles de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs : « ils sont contre cette légalisation. Leur unanimité est totale » (Damien Le Guay). Il
faut écouter l’ancien président du CCNE lorsqu’il dit : « l’idée qu’une euthanasie en France aurait des conséquences dramatiques pour la mise en danger des personnes les plus vulnérables me paraît un
argument majeur contre celle-ci. » Ce qui se passe en Belgique, 15 révisions de la loi autorisant l’euthanasie, en 15 ans, dans un sens toujours plus large, ne peut que conforter cette opinion.
Je conclurai mon propos en demandant au CCNE d’être sensible à cet appel si émouvant d’un médecin gériatre : « je vous en supplie, laissez vivre ceux qui ont tant à nous apporter ! Ils nous
réapprennent le vrai sens de la vie. Ils nous gardent dans l’humilité et nous enseignent le chemin du cœur. » (Béatrice Paillot)