La pension de réversion au crible des retraites
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- Publication : mercredi 24 juillet 2019 15:07
La pension de réversion, sujet tabou s’il en fut, permet à 4,4 millions de personnes, principalement des femmes, de limiter les pertes de niveau de vie dues au veuvage. Elle reconnait la contribution commune quoiqu’inégale des deux membres d’un couple marié à son niveau de vie. Ne voulant allumer tous les incendies à la fois, le rapport Delevoye se garde bien pour l’instant d’y toucher en profondeur. Cependant elle peut par la suite être remise en cause et il est important de savoir ce qui se trame dans les officines des spécialistes ou tout simplement de réfléchir à la justification ou non de la pension de réversion et à ses modalités.
Famille et Liberté a analysé pour vous le rapport du Conseil Orientation Retraites sur « Retraite et droits conjugaux : panorama et perspectives » en sa séance plénière du 31 janvier 2019.
Constitution commune des ressources dans le couple
La pension de réversion permet de corriger les inégalités de pension et limiter les pertes de niveau de vie des personnes âgées liées à une division des rôles sociaux au sein du couple et à la mise au monde et à l’éducation des enfants.
Cette division du travail et le principe de l’unité familiale induisent la mise en commun des ressources issues du travail rémunéré et du travail domestique des conjoints. Ce partage des ressources se poursuit pendant la retraite. Il faut le prolonger après le décès.
La pension de réversion manifeste ainsi la reconnaissance de la complémentarité de l’homme et de la femme dans le couple. Elle est à ce titre dans la ligne de mire des tenants de l’égalité homme/femme entendue comme indifférenciation des sexes et de l’ « indépendance » des conjoints qui ne doivent plus compter l’un sur l’autre.
Perçue comme une redistribution des célibataires ainsi que des concubins et pacsés vers les couples mariés, à l’heure où l’on ne sait plus à quoi sert le mariage, on lui reproche aussi de « désinciter » les femmes à prendre un travail rémunéré.
Il est néanmoins établi qu’actuellement, et malgré l’évolution des rôles sociaux, les femmes et les hommes apportent respectivement 36% et 64% des revenus d’activité et l’écart entre les pensions de droit direct des femmes et celles des hommes était d’environ 33% en 2017, ramené à 23% grâce à la Réversion. La pension de réversion permet de limiter les pertes de niveau de vie de 4,4 millions de personnes. Ces écarts, après avoir augmenté jusqu’à 2030, seraient amenés à se réduire vers 2040 à cause de la croissance conjuguée de la carrière des femmes et de l’espérance de vie des hommes.
Propositions du COR : du meilleur et du pire
Tenant compte de ces réalités, le COR propose donc des réformes dont certaines semblent intéressantes et d’autres plus inquiétantes. Nous retiendrons ici les plus significatives.
Parmi les meilleures, restreindre la réversion aux droits constitués pendant la vie commune. En effet, le conjoint survivant, n’ayant pas participé à la constitution des ressources en-dehors de la période de vie commune, n’aurait aucun droit dessus. Cela renforce a contrario le principe de la solidarité des ressources dans le couple.
Autre bonne idée : le COR souligne que l’objectif de la pension de réversion est le maintien du niveau de vie du conjoint survivant. En effet ce niveau de vie a été acquis conjointement par les deux membres du couple comme nous l’avons souligné plus haut. Or, selon l’échelle des unités de consommation en vigueur, le maintien du niveau de vie du conjoint survivant se situerait aux deux tiers de la somme des pensions du couple avant le décès. Ainsi, le COR propose de calculer la pension non plus à partir d’un pourcentage de la pension du conjoint décédé mais à partir de la différence entre les deux tiers de la somme des pensions des deux conjoints et la pension du conjoint survivant. Si D est le montant de la Pension du conjoint défunt et S la Pension du conjoint survivant, cela donne une pension de réversion égale à 2/3(D+S) – S.
Il est vrai que plus récemment, d’autres scenarios, pressés par les impératifs budgétaires, proposent seulement 50% de la somme des deux pensions. Ce qui signifierait une grosse perte pour le bénéficiaire de la plus grosse des deux pensions s’il était le survivant.
Les plus funestes propositions sont de remplacer purement et simplement la pension de réversion par une assurance veuvage (mais encore faudrait-il alors diminuer les cotisations d’autant) ou encore de ne plus les financer par les cotisations mais par l’impôt. Foin alors de la solidarité entre les générations et entre époux et triomphe de l’assistance étatique et de la redistribution par l’impôt.
Autre mauvaise idée, l’élargissement des pensions de réversion aux concubins ou au moins aux pacsés. D’autant que ceci devrait se faire bien sûr à enveloppe constante c’est-à-dire au détriment des pensions de droit direct et en augmentant les transferts implicites des célibataires (et concubins ?) vers les pacsés et mariés. Soulignons encore une fois la nouvelle dévalorisation du mariage qui s’ensuivrait.
Le COR s’interroge aussi sur les conditions de ressource déjà appliquées par plusieurs caisses mais dont il note en passant qu’elles peuvent agir comme une désincitation au travail rémunéré. Nous dénoncerons ici encore le côté « redistributif » qui a atteint ses limites et nous voudrions plutôt proposer la chose suivante pour rester dans la logique du COR qui vise, dans son nouveau mode de calcul, le maintien du niveau de vie du conjoint survivant. Si l’on veut aller au bout du raisonnement, il faut alors intégrer ces ressources personnelles non pas d’un seul côté mais des deux côtés de la balance : si l’on veut les prendre en compte dans la pension du conjoint survivant, il faut alors aussi les intégrer dans le niveau de vie d’avant-décès : La formule du COR indiquée plus haut devient 2/3(D +S + R) – (S + R) R= Ressources propres du conjoint survivant.
Exemple : Soit D, la pension du défunt = 2000€ ; S, la pension du survivant = 1000€ et R, le montant des ressources du survivant hors pension (un loyer par exemple) = 800€.
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Selon la formule du COR 2/3(D+S)-S, la pension de réversion du conjoint survivant sera égale à 2/3(2000+1000) – 1000 = 1000€
- En intégrant la condition de ressources telle qu’elle existe actuellement pour certaines caisses de retraite: la pension de réversion ne peut être attribuée que si les ressources du survivant, pension comprise, n’excède pas 1 732€ par mois pour une personne seule.: Ressources du conjoint survivant : 1000 (pension de droit direct) + 800 (loyer) = 1 800€ La formule 2/3(D+S)-S ne s’applique donc pas puisque le conjoint survivant dépasse le plafond de ressources et n’a pas droit à la pension de réversion constituée pendant les années de mariage.
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Notre proposition intégrant autrement la condition de ressources (avant et après décès): 2/3(D+S+R)-(S+R). 2/3(2000+1000+800)-(1000+800) = 2/3(3800) – 1800 = 2533-1800 = 733€
C.G.
Question sur la condition de ressources :
Est-il logique d’encourager les gens à épargner pour leur retraite (prévoyance, capitalisation), et en même temps, dès lors qu’ils ont constitué un petit bas de laine, leur supprimer à cause de cela la pension de réversion à laquelle ils ont droit ?