Par un revenu universel de base, la société s'enfoncerait dans l'individualisme
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- Publication : samedi 30 mai 2020 08:37
Avec l'aimable autorisation de son auteur nous reproduisons ici le sermon prononcé en la fête de St Joseph artisan (1er Mai 2020) par le Père Abbé de Sainte-Madeleine du Barroux, Dom Louis-Marie. Ce texte nous a en effet semblé en effet trouver toute sa place dans la discussion sur les bienfaits d'un revenu universel, véritable serpent de mer. Nous évoquions ce projet dans notre dernière LETTRE de Famille et Liberté (n°100) et nous aurons l'occasion d'y revenir. En effet, comme le souligne Dom Louis-Marie, ce sont deux philosophies qui s'opposent: l'homme "indépendant" à tout prix, ou "l'alliance" des personnes dans une complémentarité féconde, ce qui est le propre de la cellule familliale.
Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit.
Mes chers pères, mes chers frères, chers fidèles.
Récemment, le Saint-Père a confirmé le bienfait d’un salaire universel de base. Et certains utopistes ont rebondi sur la question, sur ce propos, en radotant sur le revenu universel, ce qui n’est pas du tout la même chose. Le salaire est la contrepartie d’un travail. Un revenu est une rente, une pension, une aide, mais sans contrepartie. Ce projet de revenu universel de base consisterait donc à verser une somme d’argent à chacun, sans contrepartie.
Ce serait une bonne nouvelle pour nous puisque je crois que même les moines et les prêtres pourrions avoir ce revenu.
Ce serait dans l’idéal une belle sécurité de base, et qui permettrait à chaque individu de recevoir de l’État une certaine autonomie. Et donc de ne dépendre ni d’un patron, ni d’un mari, ni même du travail. Ce serait donc l’aurore d’une liberté plus grande – et beaucoup moins fatigante !
Mais ce seraient aussi les premières étincelles d’une apocalypse humaine et sociale, parce que c’est quasiment contre nature.
D’abord parce que le travail en soi n’est pas une aliénation. Ce n’est pas le travail qui fait de l’ouvrier, de l’employé, de l’artisan, un esclave. Ce sont les conditions de ce travail quand elles sont trop dures : quand cela dure trop longtemps, quand ce n’est pas assez rémunéré.
Le travail en lui-même est une vocation à collaborer au travail du créateur. On peut même dire : à être co-créateur. Par le travail, l’homme peut acquérir une véritable indépendance, une vraie liberté, et même vis-à-vis de l’État. Par le travail, il se cultive, il se développe, il s’élève par le savoir pratique et par bien d’autres vertus comme la force, la patience.
Le travailleur s’élève : il s’élève, mais il reste ancré dans le réel qui impose toujours ses conditions.
Par le travail, le père peut subvenir aux besoins de sa famille, et comme beaucoup de saints laïcs l’ont fait, aider les personnes démunies.
Et c’est là que je veux vraiment en venir. Par un revenu universel de base, la société s’enfoncerait terriblement dans l’individualisme. Chacun aurait son pécule, maigre bien sûr : le père, la mère, pourquoi pas les enfants… Indépendance ? Non. Egoïsme, oui.
Aujourd’hui saint Joseph est fêté comme l’époux de la Vierge Marie, c’est ce que j’ai lu dans les livres liturgiques. Saint Joseph a travaillé et il a gagné de l’argent. Et il a ainsi subvenu aux besoins de la Sainte Famille. Marie n’a pas exercé de métier rémunérateur, et pourtant elle a fait beaucoup plus pour le salut des âmes et du monde que saint Joseph. La Sainte Famille ne se définit pas par l’indépendance des individus mais par une alliance des personnes. Chacune a sa meilleure place.
Dans une communauté monastique, nous vivons un peu de ce mystère de l’alliance. Certains travaillent à des emplois rémunérateurs : la boulangerie, le moulin à huile, les cultures de la vigne et des olives, la librairie et surtout, en ce moment, le magasin en ligne, qui est un peu écrasé de travail en cette période de confinement.
Il y a aussi l’hôtellerie qui donne un peu de rémunération. D’autre travaillent à des emplois de service qui ne sont pas rémunérateurs : la cuisine, l’infirmerie, la cellerie – vous travaillez un petit peu ! – la buanderie, la lingerie… la lingerie, c’est fatigant, n’est-ce pas ? La plomberie, l’électricité… D’autres encore se consacrent un peu plus à l’étude et à la formation spirituelle et théologique, et d’autres encore à l’art.
Nous formons donc une famille, et chacun est membre de cette famille dans la mesure où il prend part à la subsistance de la communauté. Le catéchisme dit bien que, aucun chrétien du fait qu’il appartient à une communauté solidaire et fraternelle, ne doit se sentir en droit de ne pas travailler et de vivre aux dépens des autres.
Que saint Joseph nous donne la grâce de résister à la tentation du parasite !
Mais nous serons une vraie famille si nous vivons ce travail dans un esprit d’alliance, comme saint Joseph et la Vierge Marie : sans rivalité, mais dans un esprit de service.
Et ce que nous essaierons de vivre mieux dans le travail, nous l’appliquerons à la prière, qui est un exercice et qui est un labeur. La prière pour l’Église, et la prière pour les âmes, pour toutes les âmes.
Le salut des âmes a un prix. Nous prions, nous les moines, chaque jour, en portant le poids de ce service, pour gagner ce prix. Et nous le ferons avec saint Joseph, patron universel de l’Eglise, artisan, travailleur, nous le ferons pour ce salaire qu’est le salut des âmes.. Un salaire universel, pour toutes les âmes, AMEN.
Dom Louis-Marie
Père Abbé de Ste Madeleine du Barroux