Drogue au volant
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- Publication : mardi 2 octobre 2012 07:05
Drogue au volant
Interrogés, au printemps dernier, sur ce qu'ils attendaient du renouvellement de l'Assemblée nationale, nos lecteurs avaient mis au premier rang de leurs préoccupations :
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La prohibition de la « famille » homosexuelle.
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L'interdiction de la polygamie dans notre pays.
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La lutte contre la drogue.
C'est en raison de ces priorités que nous avons apporté notre soutien à M. Richard Dell'Agnola, rapporteur de la proposition de loi relative à « la conduite automobile sous l'influence de drogues illicites et psychotropes » adoptée récemment, en première lecture, par l'Assemblée nationale.
Je remercie M. Dell'Agnola d'avoir bien voulu nous donner dans la Tribune que l’on lira en page deux de cette Lettre l'essentiel des motifs et du contenu de cette loi.
J'espère que la majorité de l'Assemblée nationale et du Sénat auront le courage de mener à terme le processus parlementaire nécessaire à son adoption définitive.
L'opposition la qualifie, naturellement, de démagogique, en tirant argument du fait que certains experts soutiennent que les études réalisées à ce jour ne permettent pas de conclure que la consommation de drogues nuise à la qualité de la conduite.
Un survol des études et rapports publiés sur la question ne m'a pas permis d'arriver à la certitude que ces experts ont « scientifiquement tort » dans le cas du cannabis.
Cependant les subtilités auxquelles ils recourent pour défendre leur point de vue, les délais de mise en œuvre de l'étude sur le sujet, décidée par une loi de juin 1999, correspondent plus, à mon sens, à un parti pris idéologique en faveur de la libéralisation du cannabis qu'à des scrupules scientifiques.
La consommation de cette substance étant interdite, mais généralement pas réprimée, il me paraît tout à fait normal qu'au vu des informations disponibles et en application du principe de précaution son usage au volant soit sanctionné, dans l'attente de l'éventuelle preuve de son innocuité, voire, comme le suggèrent certains, de ses aspects bénéfiques !
En présentant tous nos vœux à nos lecteurs, je les assure que nous nous efforcerons d’apporter de la clarté dans une obscurité qui ne me parait pas tout à fait innocente.
Philippe Gorre
Drogue au volant : la fin de l’exception française
Le 23 janvier, l’Assemblée nationale devrait adopter définitivement une proposition de loi visant à sanctionner la conduite sous l’influence de stupéfiants. Ce vote doit mettre fin à une longue et coupable exception française. La France, qui est un des pays les plus meurtriers d’Europe avec le Portugal, n’a que trop tardé à légiférer.
Près de 20 % des accidents mortels sont dus à une consommation de drogues au volant, soit environ 1600 morts chaque année. C’est dire si les dangers qu’elles provoquent sont réels. Selon une étude menée par le Docteur Patrick Mura de la société française de toxicologie : la fréquence des accidents chez les automobilistes de moins de 27 ans est multipliée par 2,5 dans le cas du cannabis, le principal stupéfiant consommé en France, 3,8 avec l’alcool, 4,8 avec des boissons alcoolisées associées à la marijuana et 9 avec l’héroïne.
Dès le milieu des années 90, la plupart de nos voisins européens, y compris les plus permissifs comme la Grande-Bretagne et les Pays-Bas, ont pris des mesures législatives pour sanctionner la conduite sous l’influence de stupéfiants. Étrangement, la France s’est tenue à l’écart de ce mouvement, à tel point qu’elle n’est pas aujourd’hui en mesure de respecter la directive européenne de 1991.
Le texte, qui doit être adopté définitivement fin janvier, doit nous permettre de combler ce vide juridique. Il crée un délit de conduite sous l’influence de stupéfiants et renforce le dépistage. Le Sénat, qui a adopté cette proposition le 19 décembre dernier, a même renforcé certaines de ses dispositions et a précisé les conditions dans lesquelles s’effectueront les contrôles.
Que prévoit-il ? Premièrement, il crée un délit spécifique de consommation de drogues illicites au volant passible de 4 500 euros d’amende et de deux ans d’emprisonnement. Le dispositif mis en place est calqué sur celui qui existe en matière d’alcoolémie au volant. A noter qu’en cas d’association de drogues et d’alcool, les peines encourues sont aggravées : trois ans d’emprisonnement et de 9000 euros d’amende.
Deuxièmement, il institue un dépistage systématique des stupéfiants pour les conducteurs impliqués dans un accident mortel et ceux impliqués dans un accident corporel lorsqu’il y a une ou plusieurs raisons de soupçonner l’usage de stupéfiants. La loi du 18 juin 1999 ne prévoyait en effet de dépistage de stupéfiants qu’en cas d’implication dans un accident mortel. C’est une des grandes insuffisances de ces lois qui va ainsi être corrigée et je m’en félicite.
Troisièmement, il autorise les contrôles aléatoires dans trois cas de figure : en cas d’implication dans un accident matériel, d’infraction au code de la route ou simplement de soupçon d’usage de stupéfiants. Ces techniques de dépistage par les urines et par prélèvement sanguin sont parfaitement fiables aujourd’hui mais encore un peu lourdes d’utilisation. J’ai bon espoir que dans un avenir proche des tests par la salive, la sueur ou les cheveux tels qu’ils sont déjà pratiqués en Allemagne, pourront également être utilisés en France.
Cette loi, qui a été votée avec le soutien du Gouvernement, est une avancée importante de notre législation en matière de sécurité routière. Elle contribuera, à côté des mesures annoncées par le Premier ministre à l’issue du Comité interministériel du 18 décembre dernier, à faire reculer le « scandale national » de l’insécurité routière, chantier prioritaire du Président de la République.
Richard DELL’AGNOLA
Député du Val de Marne, maire de Thiais depuis 1983, Richard DELL’AGNOLA s’intéresse depuis de nombreuses années aux questions de sécurité routière.
Auteur et rapporteur de la proposition de loi relative à la conduite sous l’influence de stupéfiants, il est actuellement président du groupe d’études parlementaire sur la route et la sécurité routière et membre du Conseil national de la sécurité routière.
De longues étapes
1995 : publication d’un livre blanc sur la sécurité routière et les drogues proposant le dépistage des drogues en cas d’accident ou d’infraction.
1996 : adoption par la commission des lois de l’Assemblée de propositions de loi instituant un délit de conduite sous l’influence de stupéfiants. Ces propositions tombent à la suite de la dissolution de 1997.
Juin 1999 : loi instaurant le dépistage des stupéfiants sur les conducteurs impliqués dans un accident mortel de la circulation, afin de mener une étude épidémiologique.
août 2001: publication du décret mettant en œuvre l’étude épidémiologique d’une durée de deux ans, à compter du 1er octobre 2001.
Octobre 2002 : proposition de loi adoptée en première lecture rendant obligatoire la recherche dans tous les accidents corporels, créant un délit en cas de consommation de stupéfiants, et permettant les dépistages préventifs en dehors de tout accident ou de toute infraction.
Le moins que l’on puisse dire est que Mme Guigou, quand elle était Garde des sceaux, n’a pas fait preuve en la matière d’autant de zèle que quand elle courrait les greffes pour les inciter à mettre en œuvre le décret d’application du PACS, alors qu’il n’était pas encore publié.
Des résultats inquiétants
« Les études de laboratoire ont toujours montré une altération de la performance survenant dès doses basses qui devient importante et persistante à des doses plus élevées : poursuite ou contrôle de trajectoire, attention partagée et vigilance sont particulièrement vulnérables aux effets du cannabis. »
« Toutefois, en raison des marges de manœuvre dont disposent de conducteur dans la plupart des conditions de conduite, on ne peut considérer la variabilité de la coordination comme un facteur déterminant du risque d’accident sous cannabis, sauf en situation d’urgence (Moskowitz, 1985) »
« Il apparaît clairement que bon nombre de fonctions perceptives utiles à la conduite se dégradent sous l’effet du cannabis »
Ces résultats sont extraits d’une étude de l’INSERM. Ils justifient les dispositions législatives en cours, et si « faute d’études épidémiologiques rigoureuses et fiables, il est aujourd’hui encore impossible de parvenir à des conclusions prouvant que l’usage du cannabis est facteur d’accidents d’ampleur significative », la faute en revient à ceux qui n’ayant pas su ou pas voulu mener à bien ces études en tirent prétexte aujourd’hui pour s’opposer aux dites mesures.
Famille et Liberté - N° 31 - Décembre 2002