Internet - Une solution « Opt-In » pour la pornographie sur l’internet
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- Publication : mardi 2 octobre 2012 07:08
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Une solution « Opt-In » pour la pornographie sur l’internet
Les associations de défense de la famille et de protection de l’enfance invitées par Famille et Liberté à discuter des moyens d’éviter que les mineurs soient exposés aux images pornographiques qui abondent sur Internet ont entendu les témoignages de Philippe Auzenet, dont nous avons publié un article sur le sujet dans notre précédent numéro, et James Cartwright, du bureau de Claire Perry, membre de la Chambre des communes qui a lancé une campagne ayant pour objet d’obtenir que soit substitué au système actuel de logiciel de contrôle parental à installer par chaque utilisateur, un filtrage par les Fournisseurs d’Accès Internet (FAI), réservant l’accès des sites pornographiques aux adultes en ayant fait la demande. Le texte qui suit fait le point de l’action menée en Grande-Bretagne.
Le Problème
63% des ménages britanniques ont désormais accès à l'internet et les enfants, avec leurs appétits de nouvelles technologies, sont des utilisateurs particulièrement avides. 99% des 12 à 15 ans et 75% des 5 à 7 ans utilisent régulièrement l’internet et, malgré les conseils d’experts, plus de la moitié des enfants accèdent à l’internet dans leurs chambres ou sans surveillance adulte. Cet accès est utilisé pour la recherche du travail scolaire, discuter sur Facebook, jouer à des jeux en ligne et télécharger de la musique - et souvent accidentellement ou volontairement pour visiter des sites pornographiques.
Presqu’un quart des adolescents dans notre dernier sondage disent qu'ils visualisent des images sexuelles en ligne, tandis qu'une autre étude a révélé qu’un enfant Britannique sur trois avaient vu de la pornographie sur internet et que 81% des enfants de 14 à 16 ans ont recherché la pornographie en ligne chez eux. Les logiciels de contrôle parental, qui pourraient aider à réduire considérablement le contact avec la pornographie par les enfants, ne sont pas installés par presque la moitié des parents britanniques. La raison que ces parents citent est qu’ils se sentent intimidés par la complexité pour le faire. De toute façon, même si ces contrôles sont en place, ils sont trop facilement contournable
Historiquement, la plupart du contenu en ligne a échappé à la régulation. Cependant, les fournisseurs d’accès à l’internet (les FAI) du Royaume-Uni s’étaient réunis afin de créer le système ‘Clean Feed’ qui bloque l’accès aux sites qui affichent des images illégales comme ceux qui montrent l'abus d'enfants. Cependant, pour de nombreuses raisons, il semble qu’il y a toujours une réticence à bloquer ou à limiter l'accès à d'autres formes de matériel qui devraient être réservés aux internautes adultes. Cette situation est absurde car nous ne l’acceptons pas avec les autres formes de médias.
Nos émissions télévisés sont contrôlées par le régulateur Ofcom et sont soumises à des règles claires ; nos écrans de cinéma doivent obtenir une classification de l’Office Nationale du Film; et la publicité imprimée ou les panneaux d’affichages sont réglementés par l'Advertising Standards Agency. Il faut alors se demander quel est l’intérêt de toute cette réglementation si l’internet permet de la contourner. Avec plus en plus d'appareils dans le foyer permettant l’accès à internet et la convergence technologique - un quart des téléviseurs vendus aux États-Unis sont maintenant capables d’accéder à internet – nous arrivons à une situation absurde où la diffusion des émissions télé destinées aux adultes est restreinte, alors qu’il est possible, facile même, de transmettre le contenu des sites pornographiques en ligne sur le téléviseur à n’importe quel moment de la journée.
Nous savons que les parents sont inquiets. Un récent sondage YouGov, que nous avions commissionné, a révélé que 93% des femmes et 73% des hommes (83% au total) ont estimé que la facilité avec laquelle le contenu pornographique peut être obtenu sur l'internet est nuisible pour les enfants.
Une solution
En Novembre 2010, au cours d'un débat dans la Chambre des Communes, Claire Perry a appelé à une nouvelle approche. Plutôt que de bloquer ou censurer la pornographie, elle a proposé que les FAI travaillent ensemble pour fournir un service interne «propre», de filtrage par les FAI, en demandant aux utilisateurs ‘d'opter’, en utilisant la technologie de vérification d'âge, pour accéder à la pornographie sur l'internet.
Cette méthode permet à ceux qui souhaitent avoir un accès complet, y compris aux sites adultes, d’opter en ce sens, mais la norme serait de ne plus recevoir ce matériel dans nos foyers. L'industrie du téléphone mobile a introduit un modèle similaire en 2004 qui utilise un contrôle de vérification d’âge afin de restreindre l'accès au matériel en ligne inapproprié.
La situation au Royaume Uni est que seulement six entreprises FAI, comprenant BT, Virgin, TalkTalk, BskyB, Orange et O2 ont une part du marché représentant plus de 90% dans la fourniture d'accès Internet. Cela signifie que si ces entreprises travaillent ensemble, l’autorégulation dans ce groupe pourrait révolutionner la vaste majorité de ce marché.
En mai 2011, TalkTalk a introduit ‘HomeSafe’ le premier filtre au niveau du réseau qui donne à ses clients la possibilité de sélectionner les catégories du contenu internet reçus de leur fournisseur qu'ils souhaitent filtrer. C'est la première fois qu’un filtre peut être activé qui affectera tous les appareils compatibles avec l’internet dans la maison du client. Ce n’est toujours pas un système Opt-in, mais c’est une étape technologique importante.
Les progrès politiques
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Le 7 février 2011 et le 18 mai 2011, des tables rondes ont été organisées entre l'industrie des FAI, un groupe inter-partis de députés, des représentants d’organisation pour la protection de l’enfant et de la famille et le ministre de la Culture, des Communications et des industries créatives Ed Vaizey. Les réunions avaient pour but de persuader les FAI de s'autoréguler et de permettre le modèle de l'Opt-in supprimant ainsi la nécessité de légiférer.
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Lors d'une réunion avec les députés multipartite (dont 59 ont enregistré leur soutien pour la solution Opt-in), Ed Vaizey a exprimé sa frustration de ce que les FAI n’avaient toujours pas fait de progrès pour arriver à une solution.
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En Juin 16, en réponse à des questions posées par les députés Claire Perry et Fiona Mactaggart, Jeremy Hunt, le ministre pour la Culture, les JO, les médias et le sport, a déclaré que le gouvernement envisagerait la réglementation si les FAI ne parvenaient à une solution.
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Le 24 août, plus de 60 parlementaires ont lancé une enquête parlementaire sur la protection des enfants en ligne. Il y eu deux auditions : les jeudi 8 Septembre et mardi 18 Octobre.
L'enquête visait à :
Connaître l’étendue de l'accès à la pornographie en ligne par les enfants, et la façon dont ils y accèdent, et mieux comprendre le dommage que cela pourrait leur causer.
Déterminer ce que les FAI Britanniques ont fait à ce jour pour protéger les enfants quand ils sont en ligne et l'étendue et les effets de leurs plans dans ce domaine.
Déterminer de quels outils supplémentaires les parents auraient besoin afin de protéger leurs enfants contre les sites et images destinés aux adultes.
Etablir les arguments pour et contre le filtrage au niveau du réseau et quel est le type de contenu qui entraine un classement + 18 ans dans les autres formes de médias
Recommander au Gouvernement une réglementation des FAI si nécessaire, et si elle l’est, proposer la forme sous laquelle elle devrait être introduite.
Développements récents :
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Le 11 Octobre, quatre des FAI principaux, BT, Sky, TalkTalk et Virgin ont annoncé qu’ils allaient offrir à tous leurs clients signant un nouveau contrat la possibilité d’opter ou non pour télécharger un logiciel de contrôle parental.
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Le même jour le Premier ministre avait aussi annoncé la création du site ParentPort, où les parents pourront déposer leurs plaintes contre des programmes télévisés, des publicités, des produits ou des services qu’ils estiment non appropriés pour les enfants. Il a aussi indiqué que les mesures offertes par les FAI ne sont qu’un début et qu’il en attend plus.
Objections des opposants :
1. C’est une restriction à la liberté d'expression
Notre solution ‘Opt-in’ ne bloquera aucun site web quelque soit son contenu. Le but n’est pas de censurer le contenu d’un site : tous les sites filtrés peuvent être consultés par tout adulte sur simple demande à leur FAI, qui leur donnera alors accès à ces sites. En effet, notre solution souhaite uniquement rendre plus difficile, par l’introduction d’un système de vérification d'âge, l’accès des enfants à ces sites. Si les FAI décidaient de s'auto réglementer dans la manière que nous proposons, nous ne chercherions pas à prescrire la façon dont les sites sont filtrés ou la liste de sites filtrés. C’est donc notre argument que l’autorégulation ne peut être une restriction à la liberté d’expression : le Gouvernement n’aurait aucun contrôle sur la liste des sites filtrés et les utilisateurs auront toujours l’option d’ ‘opter in’ pour accéder à l’internet tel qu’il est aujourd’hui.
2. Ce n’est pas réalisable en pratique et c’est trop coûteux
Les bénéfices des FAI en Grande-Bretagne sont de 3 milliards de livres. Bien sûr, beaucoup de cela doit être investi pour améliorer le réseau, mais il n'y a aucune raison pour qu’une partie de cette amélioration ne puisse pas inclure un système Opt-in et ses filtres. So Internet et Teeboh sont des petites firmes de FAI minoritaires au Royaume-Uni (leurs clients sont principalement les groupes religieux et les écoles) mais ils offrent déjà un service Opt-in et ceci malgré leurs budgets comparativement modestes.
3. Il y a des questions légales à résoudre
British Telecom, un FAI important, pense qu’une directive (Directive 2002/58/CE), et sa transposition dans le droit britannique : RIPA 2000, crée une infraction pénale pour l'interception des communications même électroniques. Ça sera au juge d’établir si le filtrage des pages affichées sur l’internet sans le consentement de leurs auteurs constitue l’interception criminelle visé par RIPA 2000. Potentiellement, il peut aussi y avoir un problème avec un système de filtrage qui conserve les informations confidentielles des utilisateurs qui ont essayé d’accéder aux sites interdits.
L’article 5 de la directive Européenne du 12 Juillet 2002 stipule :
« Les États membres garantissent, par la législation nationale, la confidentialité des communications effectuées au moyen d’un réseau public de communications et de services de communications électroniques accessibles au public, ainsi que la confidentialité des données relatives au trafic y afférentes. En particulier, ils interdisent à toute autre personne que les utilisateurs d’écouter, d’intercepter, de stocker les communications et les données relatives au trafic y afférentes, ou de les soumettre à tout autre moyen d’interception ou de surveillance, sans le consentement des utilisateurs »
Je pense que vous trouverez cet article transposé en France par la Loi n°2004-669 du 9 juillet 2004 et dans le Code des Postes et des communications Électroniques. Sans arrêt clarifiant, nous ne savons pas pour le moment les limites ou l’effet de cette directive.
Un autre obstacle à la régulation étatique est que toute loi adoptée pour filtré le contenu adulte devra respecter l'article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme. Bien que l'article 10 prévoie une exception à la liberté d'expression pour la protection de la morale, légiférer pour permettre une approche basée sur un filtre internet peut néanmoins poser des problèmes car aucun filtre ne bloquera uniquement les sites nuisibles à la morale. Donc toute loi tentant d’introduire un système de filtrage pourrait être exposée à un recours en justice fondé sur l’article 10.
En effet, le Conseil de l'Europe a émis de nombreuse de Recommandations, ayant valeur juridique, concernant la protection des enfants contre le contenu adulte sur l’internet. La conclusion du Conseil des Ministres est que l'autorégulation par les FAI serait la meilleure solution à adopter. Leur Recommandation propose également un mécanisme d'autorégulation qui pourrait être mise en œuvre par les États membres. Ce document est utile pour se renseigner sur l’autorégulation et donne un appui juridique avec lequel faire pression sur les FAI.
James Cartwright, le 19 octobre 2011
Lettre N° 66 - Septembre 2011