Heurs et malheurs du CV anonyme
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- Publication : mercredi 18 juin 2014 13:07
Les décrets d’application de la loi rendant obligatoire le CV anonyme, votée en 2006, ne sont toujours pas parus. Huit ans après. Il paraît que c’est le sort de beaucoup de lois et que ce n’est même pas un record. Le record inverse est la loi sur le Mariage pour tous qui a vu ses décrets d’application signés par le ministre dans la semaine qui a suivi le vote de la loi.
Mais revenons au CV anonyme. Selon la loi pour l’égalité des chances, dans les entreprises de cinquante salariés et plus, les informations telles que nom, prénom, adresse, sexe, date de naissance, origine ne doivent pas figurer sur le CV. La loi était faite pour les candidats d’origine étrangère et pour les femmes. Quels en ont été les résultats sur le recrutement des femmes et la discrimination que l’on voulait éviter à leur égard ?
En l’absence des décrets d’application il semble que cette loi ait été assez peu appliquée et en 2010, Eric Besson, alors ministre de l'immigration, avait demandé à Pôle emploi un bilan d'étapes. Le résumé de ce bilan, a pu mesurer qu’en effet les hommes, comme les femmes, ont tendance à sélectionner « le même », comme les jeunes et les moins jeunes ont tendance à sélectionner les uns des jeunes, les autres des moins jeunes. Le CV anonyme permettrait de contrecarrer ces tendances, sauf que « comme on trouve des recruteurs des deux sexes et des recruteurs plus ou moins jeunes, les phénomènes d'homophilie se compensent d'un recruteur à l'autre et l'anonymisation du CV n'améliore pas, en moyenne, les chances des femmes ni des seniors", conclut le rapport.
Traiter les femmes comme des hommes … se retourne contre elles
Un rapport sur l’emploi des femmes commandé par Najat Vallaud Belkacem et que nous avons déjà commenté révèle que dans un certain nombre de métiers, traditionnellement masculins, où l’on veut que les femmes entrent en force au nom de l’égalité des sexes, le CV anonyme pénalise les femmes car elles ne réussissent pas à passer les sélections des métiers d’hommes. C’est ainsi que le rapport, écrit par Séverine Lemière, critique les dispositifs de « neutralité présumée » qui « sous couvert de non-discrimination souhaitent traiter de façon neutre les chômeurs et les chômeuses. Or, l’absence de prise en compte des différences entre les femmes et les hommes dans l’accès à l’emploi revient à maintenir et renforcer ces discriminations. » En contradiction totale avec la politique du CV anonyme, le rapport ajoute qu’heureusement « Pôle Emploi tente de sensibiliser ses conseillers aux différences entre hommes et femmes.
En somme, il faudrait traiter les femmes comme des hommes mais en tenant compte de leur condition de femmes. La nature se rit de l’idéologie et le serpent se mord la queue !
En ce qui concerne la population issue de l’immigration, le bilan de ce CV anonyme est encore plus négatif car les recruteurs semblent plus sévères pour des fautes d’orthographe ou des trous dans le CV lorsqu’ils émanent d’un CV anonyme que lorsqu’ils peuvent l’expliquer par un contexte difficile de banlieue.
Quel est donc l’intérêt des groupuscules qui ont déposé une requête au Conseil d’Etat pour forcer le gouvernement à respecter cette autre promesse de campagne de François Hollande de mettre en œuvre le CV anonyme ? Ce n’est ni celui des femmes ni celui des immigrés.
Claire de Gatellier