La politique de prévention

Publication : mardi 2 octobre 2012 07:11

La politique de prévention du sida en France

 

Ce rapport est le fruit des travaux d'un groupe de travail réunissant les professeurs Michel Arthuis, Pierre Canlorbe, Didier-Jacques Duché, Henri Lestradet et Denys Pellerin, membres de l'Académie de médecine.

En procédant à l'analyse des documents publiés en 1995 par les pouvoirs publics sur la politique de prévention et ses résultats, le groupe de travail a acquis la conviction qu'elle ne nous mettait pas à l'abri d'un passage de l'état endémique à l'état épidémique dans la population hétérosexuelle et qu'elle en augmentait même le risque.

Le processus qui a conduit à cette situation est évidement complexe, mais analysable.

Il tient en la croyance que les succès obtenus dans la lutte contre la contamination par la transfusion sanguine, les injections intraveineuses, et le lait maternel peuvent être étendus à la transmission lors des relations sexuelles.

Or, les stratégies appliquées dans les trois premiers cas diffèrent radicalement de celle retenue dans le quatrième : dépistage systématique des donneurs de sang, abandon de l'échange des seringues, renoncement à l'allaitement maternel, il s'agit dans les trois cas de stratégies actives fondées sur la sélection et l'isolement.

Elles n'ont pas été adoptées sans hésitations, mais elles se sont imposées finalement, en raison du développement de la maladie dans les populations concernées.

Pour les relations sexuelles, c'est, avec la préconisation du préservatif, une stratégie passive qui a été adoptée.

Deux motifs puissants ont conduit à un tel choix : le souci de ne pas porter atteinte à la liberté sexuelle, la difficulté et le coût de mise en œuvre d'une stratégie active dans la grande masse de la population.

Nous recommandons la lecture de deux publications postérieures, celle du professeur Lestradet dans les Annales pharmaceutiques françaises et celle du professeur Montagnier dans le Bulletin de l'Académie nationale de médecine. Nous approuvons leurs analyses et leurs propositions.

Introduction

Les pouvoirs publics jouent un rôle prépondérant dans la diffusion de l'information sur les conditions de la transmission du sida et les moyens de s'en protéger :

- directement

- indirectement

Ces actions sont coordonnées par la direction générale de la santé et l'agence nationale de recherches sur le sida.

Elles s'appuient sur les travaux de la direction des hôpitaux, du Centre européen pour la surveillance épidémiologique du sida, de l'Inserm et sur les résultats de ceux menés à travers le monde sur le sujet.

Les questions auxquelles cette information doit répondre sont :

L'enjeu de cette politique d'information est d'autant plus considérable que les espoirs de vaccination et de guérison restent lointains. Nous avons examiné les documents suivants :

Nous avons ensuite présenté les résultats de quatre études relatives à la modélisation de l'épidémie ou à l'efficacité du préservatif.

Enfin nous donnons notre propre analyse des facteurs de contamination, du message des pouvoirs publics et de la façon dont il est compris.

Une importante documentation sur le sida est disponible, sur place ou par correspondance, au CRIPS, 192 rue Lecourbe, 75015 Paris - Tél. (1) 53.68.88.88.

I. Information et prévention en 1995

Les messages adressés par les autorités compétentes aux professionnels de la santé (rapport épidémiologique et rapport sida 2010), à la représentation nationale (rapport du gouvernement au Parlement) et au grand public (campagne de prévention dans la presse et à la radio) donnent l'impression rassurante que le risque d'épidémie dans la population hétérosexuelle sera écarté, si l'on continue dans la voie suivie jusqu'à ce jour.

Cet optimisme trompeur résulte d'erreurs ou d'omissions dont les plus marquantes ont consisté à :

1.1 - Rapport épidémiologique (mars 1995)

Ce rapport, établi par le Réseau national de santé publique rassemble de nombreuses données sur la prévalence (nombre de sujets porteurs du virus ou atteints du sida à un instant donné) et l'incidence (nombre de cas nouveaux dans une période donnée) de la maladie.

Le rapport indique que les conditions théoriques d'une extension rapide de l'infection dans la population hétérosexuelle ne sont pas réunies parce que (d'après les résultats de l'enquête sur les comportements sexuels en France -ACSF) moins de 8% des sujets interrogés déclarent avoir pratiqué la sodomie lors de leur dernier rapport sexuel et seulement 12% des hommes et 5% des femmes ont eu plus d'un partenaire dans les 12 mois précédant l'enquête. Il en conclut (p. 4 du rapport) que "si l'effort de prévention est maintenu, il est assez improbable que l'on assiste dans le futur à une explosion de l'épidémie dans la population hétérosexuelle".

Cette conclusion serait pertinente si les efforts de prévention consistaient à mettre en garde la population contre la sodomie et le multipartenariat.

La plupart des données du rapport épidémiologique se retrouvent, avec des modifications, dans le rapport Prospective sida 2010.

 

1.2 - Prospective sida 2010

Le sida en France - État des connaissances en 1994

Publié en juin 1995 par la Direction générale de la santé et l'Agence nationale de recherche sur le sida le document constitue, selon la lettre d'accompagnement de ses auteurs, la première étape du projet Prospective sida 2010.

Divisé en cinq chapitres, il contient une somme d'informations utiles :

Notre analyse a porté sur les chapitres II et III.

II. Les données épidémiologiques

Ce chapitre rassemble des statistiques sur l'évolution du nombre de séropositifs et de malades du sida pour les populations à risque (homosexuels, populations subsahariennes et des Caraïbes, toxicomanes et transfusés) et pour la population hétérosexuelle.

Les critiques que l'on peut porter à la présentation de ces statistiques porte sur :

 

1. La réunion en une seule catégorie des homosexuels et des bisexuels (ces derniers étant définis comme "hommes ayant eu au moins un rapport sexuel avec un homme au cours de leur vie") faisant apparaître, pour ces deux populations, un taux moyen de 289/100 000 nouveaux cas de sida en 1993 qui recouvre des taux que l'on peut estimer, à partir des données du rapport à 87/100 000 pour les bisexuels et à 680/100 000 pour les homosexuels.

 

L'incidence du sida dans la population homosexuelle est donc environ la moitié de celle de la population toxicomane. Elle est environ 300 fois plus élevée que dans la population hétérosexuelle.

 

Il est étonnant que ces proportions ne soient pas mises en évidence dans le rapport et que soit en permanence retenue l'existence d'un groupe homo - bisexuel sans consistance statistique.

2. l'insistance à souligner que le taux d'accroissement annuel des décès par sida a diminué depuis 1987 :

"En conclusion, les décès par sida en France continuent à croître chaque année, mais après une phase exponentielle de progression, le taux d'accroissement annuel a diminué depuis 1987.

Ce changement résulterait de l'augmentation de la durée de survie des maladies ou d'un ralentissement parallèle du nombre de nouveau cas de sida." (p.55)

Or, une croissance qui reste exponentielle a vite fait de toucher l'ensemble d'une population et le fait qu'un taux d'accroissement annuel diminue n'est pas du tout rassurant.

Prenons l'exemple d'une population de 1000 personnes dont le nombre d'individus nouvellement contaminés augmente de 100 chaque année. Le nombre de personnes touchées par l'épidémie et le taux d'accroissement annuel évolueront comme ci-dessous.

année

1

2

3

4

nombre de contaminés dans l'année

100

200

300

400

taux d'accroissement annuel

-

100%

50%

33%

nombre total de contaminés

100

300

600

1 000

 

III. La modélisation de l'épidémie

Le rapport présente une "synthèse, destinée au lecteur non-spécialiste" de quatre modèles de l'épidémie.

Les modèles 1 et 2

, dont le rapport note les faiblesses en ce qui concerne l'évolution jusqu'à ce jour, de la séropositivité : "peu de précisions sur l'année exacte d'un éventuel pic de l'incidence ; difficulté de détecter un éventuel deuxième pic de l'incidence, surtout s'il est récent" ne permettent pas de prévoir l'évolution dans l'avenir du nombre de séropositifs. Les graphiques présentés dans le dossier reposent d'ailleurs sur l'hypothèse d'une incidence constante de l'infection à partir de 1993.

Le troisième modèle

(simulation de l'épidémie de VIH dans la population générale hétérosexuelle française à partir des données ACSF, p. 120 et SS.) a pour objet de simuler le comportement hétérosexuel des individus de la population française âgés de 18 à 59 ans à partir des données socio-démographiques collectées par l'enquête ACSF de 1991 (analyse du comportement sexuel en France).

Les résultats présentés dans le rapport font apparaître, sur la période 1990-2010, soit une légère croissance suivie d'une stabilisation autour de 6 pour 10 000 du taux de prévalence, si l'on se base sur les réponses des femmes quant au nombre de partenaires, soit une multiplication de la prévalence par 2,5 sur la période, si l'on se base sur les réponses des hommes.

Une simulation vaut ce que valent les hypothèses préalables. Les résultats présentés ont été obtenus en supposant que les comportements sexuels n'étaient pas modifiés entre 1990 et 2010 et que les hétérosexuels n'avaient pas de rapport avec des prostituées, des toxicomanes ou des bisexuels. A cela s'ajoutent des hypothèses restrictives sur le nombre maximal de partenaires, les limites d'âge et l'usage du préservatif.

Aussi quand le rapport affirme "Avec les hypothèses choisies, on peut donc conclure à une croissance lente de l'épidémie", l'on doit considérer que cette affirmation est formellement et par définition exacte, mais, qu'étant donné le choix des hypothèses, elle n'a nullement valeur de prévision.

Les hypothèses en question sont en effet loin de la réalité. Quant à en faire état, il eût mieux fallu aller jusqu'au bout et donner les résultats par tranches d'âge, ainsi que cela a été fait en 1993 par la revue Aids / cf. note jointe sur la transmission hétérosexuelle chez les jeunes en France par Françoise Le Pont.

La projection a alors l'avantage, indépendamment de la valeur des hypothèses, de mettre en évidence les risques relatifs par tranches d'âge. Dans le cas d'espèce, elle conclut à une forte probabilité de développement épidémique dans la tranche des 18 - 24 ans.

Le quatrième modèle

est issu des travaux menés depuis plusieurs années à la direction des hôpitaux avec comme premier objectif de répondre à une question bien précise : combien de lits réserver pour le sida ? (Cf. La modélisation de l'épidémie de sida par Daniel Puzin et Alain-Jacques Valleron in L'Hôpital à Parisn°110 - 1989).

La méthode utilisée consiste, à partir des cas de sida enregistrés entre 1984 et 1988, à rechercher des fonctions dont la représentation graphique est la plus proche possible de la courbe retraçant l'évolution des cas enregistrés.

Ces fonctions donnent un maximum du nombre de nouveaux cas de séropositivité en 1985 et du nombre de séropositifs en 1993. Mais les auteurs précisent : "Le modèle procure une image vraisemblable du passé de l'épidémie d'infection à VIH en France. Il permet de simuler des futurs possibles, parmi lesquels l'hypothèse de référence n'est pas nécessairement la plus probable mais celle qui poursuit les tendances actuelles."

Or, l'histoire que retrace le modèle est à 80% celle des premières populations touchées par l'épidémie, alors que venaient d'être mises en œuvre des mesures susceptibles de les protéger :

incitation plus large à la prévention, en particulier par l'usage des préservatifs.

Le document Sida 2010 peut être obtenu gratuitement en s'adressant à ANRS information, 66 bis avenue Jean Moulin 75014 Paris - Tél. (1) 44 12 26 00.

 

1.3 - Rapport du Gouvernement au Parlement (avril 95)

Ce rapport reprend les données du rapport épidémiologique du mois de mars.

Le lecteur trouvera en annexe I les observations sur la façon dont certaines de ces données sont présentées dans le rapport au Parlement.

En ce qui concerne le renforcement de la prévention, s'il exprime l'intention de mieux informer la population sur les risques du multipartenariat sexuel, il présente un bilan de la communication grand public qui montre bien que celui-ci n'a pas été informé.

Depuis 1989, l'Agence française de lutte contre le sida (AFLS) et le ministère de la santé ont conduit onze campagnes de promotion du préservatif "avec un objectif de banalisation du préservatif et de valorisation de son utilisation" ainsi que neuf campagnes sur le thème de la solidarité, une campagne d'incitation au dépistage et une opération sur le préservatif à un franc.

Ce bilan contredit l'affirmation du rapport (p.20) : "le recours au préservatif s'inscrit comme un moyen parmi d'autres de limitation du risque", affirmation oubliée dès la page 22, "après l'autorisation de la publicité pour les préservatifs en 1986, la stratégie principale consiste à développer des campagnes d'information sur l'usage du préservatif et à améliorer son accessibilité par l'installation de nouveaux lieux de vente."

D'ailleurs les mesures retenues ou préconisées (p. 24, annexe III) ne concernent nullement le multipartenariat.

Dans sa troisième et dernière partie consacrée au dépistage, le rapport

A l'appui de sa thèse, il évoque une déclaration de l'organisation mondiale de la santé du 3 mars 1995 qui estimerait que les mesures discriminatoires et coercitives poussent plutôt les gens à éviter de s'informer et de se faire soigner et donne les références d'une étude "décrivant ces conséquences dans certains Etats américains, en comparant la situation où, selon les Etats, le dépistage était obligatoire ou volontaire. Wayne D.J., SY F.S., O'Keefe J., Miller J.P. A comparison of HIV testing site attendance in two cities under different reporting policies. VIme in "Conférence internationale sur le sida. San Francisco, juin 1990."

Nous donnons (annexe II) le résumé de cette étude : il n'y est pas question de dépistage obligatoire mais de dépistage volontaire avec, dans un cas, anonymat et, dans l'autre, communication des résultats au département de la santé.

On a constaté le transfert d'un centre à l'autre d'une partie de ceux qui veulent être testés car ils craignent d'être ensuite l'objet de discrimination si leur séropositivité est connue. Choisir entre être déclaré ou non quand on en a la possibilité n'est pas la même chose que de se soustraire à une obligation.

En ce qui concerne les objections d'ordre éthique, le rapport dit que les principes d'un dépistage fondé sur le volontariat, le consentement éclairé, la protection du secret médical etc., sont partagés par les Etats membres de l'Union européenne, les associations de lutte contre le sida et des instances scientifiques et éthiques françaises (Conseil national du sida etc.) ce qui soulève deux questions.

1. S'agit-il, pour l'ensemble de ces institutions, du volontariat et du secret médical ou de l'un des deux ?

2. Y a-t-il des Etats ou des institutions françaises qui ont adopté une attitude différente qu'il aurait été honnête de porter à la connaissance des parlementaires ?

Enfin, on peut se demander si, sur le plan éthique, le dépistage obligatoire n'est pas préférable au dépistage à l'insu du patient que, selon les chiffres cités par le rapport, auraient pratiqué 12% à 40% des médecins.

annexe I

 

p. 6 "le nombre de cas de sida continue d'augmenter, cependant son taux d'évolution par rapport à l'année précédente a diminué"

En réalité "le taux d'évolution" est à peu près stable de 1991 (+6,9%) à 1994 (+7,8%). En valeur absolue on constate une augmentation annuelle de nombre de cas de l'ordre de 800 de 1987 à 1989 suivie d'une augmentation de l'ordre de 400 de 1990 à 1994.

p. 12 "Toutefois des éléments comme une certaine stabilité des cas de séropositivité chez les personnes hétérosexuelles."

Cette affirmation se rapporte vraisemblablement à l'indication donnée en p. 11 selon laquelle, d'après le Réseau national téléinformatique de surveillance et d'information sur les maladies transmissibles (RNTMT), le nombre de personnes dépistées chez les hétérosexuels reste stable.

Elle se réfère en tout cas expressément au Rapport épidémiologique de mars 1995. Or ce rapport indique que si "le nombre de séropositifs découverts (par les différents systèmes de surveillance) soit reste stable, soit diminue aucune extrapolation ne peut néanmoins en être déduite vis-à-vis de la dynamique actuelle de l'épidémie" car "la population qui a accès au dépistage évolue au cours du temps en fonction des incitations au dépistage" et "les séropositifs identifiés dans ces systèmes ne sont pas représentatifs de l'ensemble de la population séropositive."

p. 24 le rapport cite les résultats "du suivi d'une cohorte européenne de couples" qui "a montré que chez les 124 couples qui ont systématiquement utilisé des préservatifs aucune séroconversion n'est survenue" sans indiquer les limites statistiques de ce résultat. Nous les donnons en 2.3.

 

annexe II

 

annexe III

 

 

1.4 - Sida - campagne de prévention. Eté 1995

Ses auteurs attribuaient à la campagne de prévention menée par le ministère de la santé pendant l'été 1995 dans la presse et à la radio les caractéristiques suivantes :

Si chacun a pu vérifier la réalité de la quatrième caractéristique, en fut-il de même des trois premières ?

Dans la presse grand public, 14 annonces ont été diffusées portant sur 9 thèmes. Toutes les annonces, sauf deux, présentent le préservatif comme l'unique moyen de protection :

Les deux exceptions concernent

La pénétration anale est citée dans cinq annonces associée à la prescription d'un gel à base d'eau, sans que soit jamais évoqué le risque plus grand que lors de la pénétration vaginale qu'elle implique.

Pour la presse spécialisée

Pour les radios, 7 spots de prévention "axés sur le préservatif"

Chacun de ces spots se terminait par une voix off disant protégeons-nous ou protégez-vous du sida.

Au terme de cette revue, il nous paraît possible de contredire l'affirmation qu'il s'agissait d'une campagne "non limitée au préservatif" et d'affirmer qu'elle ne prenait pas en compte "la diversité des situations". Ceux qui auront fait confiance à cette campagne n'auront été informés ni sur les risques de la pénétration anale, ni sur ceux inhérents au premier rapport sexuel, ni sur ceux que représentent les populations les plus contaminées.

Pour l'appréciation des risques auxquels cette campagne les a exposés, nous renvoyons le lecteur à notre note sur les probabilités de contamination.

Pour la perception par le public du rôle du préservatif, nous renvoyons aux interprétations, également jointes à ce dossier, données par la presse.

Deux questions enfin méritent d'être posées :

(1) Pour les neuf cas (de séroconversion) prouvés, une sérologie a été réalisée dans le mois qui a suivi l'accident et s'est révélée négative. Une sérologie positive est disponible dans les six mois après l'accident (p.80)

 

II. DONNEES SCIENTIFIQUES

2.1 - Modélisation de l'épidémie d'infection à VIH dans la population générale françaises. Françoise Le Pont et autres - Revue d'épidémiologie et de santé publique, vol. 41 - 1993 - supplément 2

Pour qu'il y ait épidémie dans une population, il faut que Ro > 1, Ro étant le nombre moyen d'individus infectés par un individu qui l'est lui-même.

Ro est estimé par (Cf Bf Ch Bh)1/2 D, formule dans laquelle Bf est le taux moyen de transmission pour un couple de la femme vers l'homme et Bh de l'homme vers la femme, Cf et Ch, le nombre annuel moyen de partenaires respectivement pour les femmes et pour les hommes et D la période pendant laquelle un séropositif est contagieux.

Sur la base des données disponibles et en calculant Ro par classe d'âge, l'auteur obtient, pour D=2 ans, Ro=1,2 pour les 18 - 24 ans et Ro < 1 pour les autres tranches d'âge.

Pour D=4 ans, Ro=2,4 pour les 18 - 24 ans, 1,7 pour les 25 - 34 et 1 pour les 35 - 44 ans.

L'auteur précise avoir retenu des valeurs courtes de la période contagieuse afin d'estimer les valeurs minimales du risque.

Ro=1,2 correspond à un doublement du nombre annuel de cas en 7 ans et Ro=2,4 à un doublement en 2 ans.

En supposant que tous ceux dans la tranche d'âge 18 - 24 ans qui ont déclaré lors de l'enquête ACSF avoir utilisé au moins une fois un préservatif dans les douze mois précédant (près de 50% de la population) ne courent aucun risque, le temps nécessaire au doublement de l'épidémie pour cette catégorie d'âge (avec D=2 ans ?) passe à 14 ans.

"Ainsi la proportion de jeunes qui ont déclaré avoir utilisé le préservatif n'est pas suffisante pour éliminer le risque de l'épidémie dans ce groupe, compte tenu de leur taux de rencontre de partenaires".

Il y a donc, conclut l'auteur, un risque épidémique parmi la tranche des 18 - 24 ans alors que les calculs ont été effectués sans tenir compte des risques supplémentaires d'homosexualité, d'usage de la drogue ou de relations sexuelles avec des individus des autres groupes d'âge.

2.2 - Méta-analyse de l'efficacité du préservatif dans la réduction de la transmission sexuelle du VIH. Susan C. Weller, Soc. Sc. Méd., vol. 36, n° 12, pp. 1635 - 1664, 1993

Cette méta-analyse rassemble toutes les études publiées avant juillet 1990 sur l'efficacité du préservatif pour les couples hétérosexuels ayant pu être trouvées dans les bases de données consultées par l'auteur, professeur à la faculté de médecine de l'université du Texas.

L'auteur, à partir des onze études qu'elle a retenues, estime le taux d'efficacité du préservatif à 69%. Elle cite une étude postérieure à l'analyse (Lazzarin et autres, 1991) qui estime l'efficacité à 70%.

Après avoir souligné les difficultés méthodologiques des études sur l'efficacité du préservatif, elle conclut en disant que l'encouragement à l'utilisation du préservatif parmi la population générale peut entraîner un bénéfice indirect en accroissant la connaissance du public sur les pratiques sexuelles les moins risquées et un effet négatif car le grand public peut ne pas comprendre la différence entre "le préservatif peut réduire le risque" et "le préservatif protège du sida".

Selon elle c'est rendre un mauvais service d'encourager la croyance que le préservatif empêchera la transmission du VIH et la plus grande réduction de risque se fait en sélectionnant un partenaire appartenant à un groupe à faible risque ou quelqu'un qui est connu pour être séronégatif.

2.3 - Étude européenne de transmission du virus chez les hétérosexuels The England Journal of Medecine, Isabelle de Vincenzi, vol. 331, août 1994 n° 6 pp. 341 à 346

Cette étude a été réalisée par le Centre européen pour la surveillance épidémiologique du sida.

304 couples dont l'un des partenaires était séropositif ont été suivis pendant 20 mois. Ils étaient répartis dans 10 centres situés dans 9 pays européens.

Il s'agissait de couples stables dont aucun n'appartenait aux populations à risque (toxicomanes, bisexuels, transfusés, multipartenaires ou originaires de l'Afrique subsaharienne).

Quelle est sa validité ?

Indépendamment des limites inhérentes à la relative faiblesse de l'échantillon -dont l'auteur a tenu compte- et de celles résultant de l'éventuelle hétérogénéité des informations collectées dans 10 centres répartis dans 9 pays, deux observations, beaucoup plus fondamentales, portent non sur la validité des résultats rapportés aux populations considérées, mais sur les précautions à prendre avant de les appliquer à l'ensemble de la population hétérosexuelle.

Dans l'autre sens, on peut s'étonner du fait que, dans les conditions où ils se trouvaient, la moitié des couples n'aient pas, ou pas toujours, utilisé un préservatif. Ce résultat pousse à s'interroger sur l'efficacité des campagnes de prévention.

Les taux de transmission observés dans la cohorte de Vincenzi sont donc ceux d'une population ayant subi préalablement une sélection naturelle et, par les conseils reçus, plus avertie que l'ensemble de la population.

Le résultat le plus frappant de cette étude est qu'aucune contamination n'a été observée parmi les 124 couples ayant utilisé le préservatif constamment, alors que 12 contaminations l'ont été parmi les 121 couples utilisateurs irréguliers.

La question est de savoir si l'on peut conclure avec l'auteur que l'utilisation du

préservatif est très efficace (higly effective) pour prévenir la transmission du SIDA au sein de couples hétérosexuels ou si, comme l'écrit plus prudemment l'éditorialiste du Journal of Medicine, son utilisation constante et correcte peut réduire le taux de transmission du virus. Le calcul des probabilités permet de répondre à cette question.

1. Probabilité de contamination lors d'un rapport sexuel non protégé

Les 121 couples utilisateurs inconstants ont eu environ 12000 rapports non protégés ; nous supposerons dans les calculs que chaque couple a eu 100 rapports non protégés. 12 éléments ont été contaminés sur 121 soit, en arrondissant là aussi, 10%.

Si l'on retient ce pourcentage comme probabilité de transmission au sein de cette population, soit Pg=10%, la probabilité de contamination lors d'un rapport non protégé est x=1,05/1000.

2. Probabilité de contamination lors d'un rapport protégé

I. de Vincenzi estime à 1% le risque de rupture du préservatif. Si l'on retient ce chiffre comme étant celui du risque du préservatif, le risque à chaque rapport devient x'=x/100=1,05/100 000

Les 124 couples utilisateurs constants ayant eu environ 15000 rapports, en arrondissant la moyenne à 120, on obtient pour probabilité qu'un couple soit contaminé après 120 rapports Pg'=1,3/1000. La probabilité qu'aucun des 124 couples ne soit contaminé après 120 rapports est P=85%.

Les conclusions auxquelles on aboutit sont que :

1. la probabilité de transmission du SIDA lors d'un rapport hétérosexuel non protégé entre une personne séropositive et une personne séronégative est faible (pratiquement 1 pour 1000 d'après notre calcul)

2. en vertu du principe des probabilités composées, une protection même d'une qualité médiocre rend le risque très faible (avec un préservatif efficace 99 fois sur 100, le risque passe de 1 pour 1000 à 1 pour 100 000).

Le premier point conduit à s'interroger sur les conditions de transmission. Si 999 fois sur 1000 il n'y a pas transmission, quelle en est la cause : nombre ou vitalité des virus, imperméabilité des muqueuses ?

Le second point permet de mieux comprendre les résultats observés : avec l'hypothèse que nous avons retenue, il n'y avait que 15 chances sur 100 de contamination parmi les 124 couples protégés.

Les résultats constatés sont compatibles avec des performances des préservatifs bien inférieures à celle retenue. C'est ainsi qu'il y aurait plus d'une chance sur deux de n'enregistrer aucune contamination parmi les 124 couples si le taux de défaillance du préservatif était de 4% et qu'il y en aurait encore une sur dix si ce taux était de 14%.

2.4 - Transmission du VIH de l'homme à la femme et de la femme à l'homme : étude de 730 couples. Alfredo Nicolosi Epidemology, novembre 1994, vol 5, numéro 6, pp. 570 à 575

Cette étude, dont le but principal est de comparer le risque de transmission du sida de l'homme vers la femme et celui de la femme vers l'homme, a été conduite par le groupe d'étude italien sur la transmission hétérosexuelle du VIH.

Elle a porté sur 730 couples dont l'un des partenaires était séropositif et l'autre non.

Tous ces couples étaient formés au moins depuis six mois et ne courraient pas d'autre risque que celui résultant de leurs relations.

Il ressort de l'étude que le risque de contamination est 2, 3 fois plus fort pour la femme que pour l'homme, résultat compatible avec ceux observés dans les études antérieures.

Les auteurs de l'étude ont naturellement tenu compte des facteurs de risque tels que la durée, la fréquence et le mode des relations, ainsi que de l'état du partenaire séropositif et de l'existence de maladies sexuelles antérieures.

Ils ont aussi tenu compte de l'utilisation du préservatif, en classant les couples en quatre catégories : jamais, quelquefois, souvent et toujours.

Dans les couples où l'élément masculin était séropositif, 136 femmes ont été contaminées et 239 ne l'ont pas été parmi ceux n'utilisant jamais le préservatif ; 3 l'ont été et 37 ne l'ont pas été parmi ceux l'utilisant toujours.

Dans les couples où la femme était séropositive, 8 hommes ont été contaminés et 65 ne l'ont pas été parmi ceux n'utilisant jamais de préservatif, 5 l'ont été et 59 ne l'ont pas été parmi ceux l'utilisant toujours.

En sus du fait, déjà connu mais peu cité, que la femme est environ 2 fois plus vulnérable que l'homme, il ressort de cette étude que si 32% de ceux qui n'utilisent jamais de préservatif sont devenus séropositifs, 8% de ceux qui l'utilisent le sont devenus aussi.

Le préservatif a donc été, en l'espèce, efficace trois fois sur quatre.

N.B. Les documents que nous avons examinés ne mentionnent pas les résultats de cette étude. Ne l'ayant, nous-mêmes, découverte que postérieurement, nous n'avons pu en tenir compte dans la rédaction du présent rapport.

III. ANALYSE DE FAMILLE ET LIBERTÉ

3.1 - Les probabilités de transmission du sida

Le risque de transmission du virus du SIDA par voie sexuelle peut se représenter par la formule P=P1 x P2 dans laquelle :

P1 est la probabilité que le partenaire du sujet séronégatif soit séropositif
P2 la probabilité de transmission lors d'un rapport.

Lorsque le rapport est protégé par un préservatif, la probabilité de transmission devient P=P1 x P2 x P3 dans laquelle :

P3 est la probabilité que le préservatif ne remplisse pas son office protecteur.

La probabilité de transmission P est nulle lorsque le partenaire du sujet séronégatif est lui-même séronégatif (P1=0), ou si le moyen de protection utilisé est totalement fiable. (P3=O)

A partir de ces définitions l'on peut évaluer le risque d'être contaminé et celui de contaminer en utilisant la formule :

Pn = 1 - P'n

avec P'n = P'1n= (1 - P1)n dans laquelle :

P1 est la probabilité d'être contaminé lors d'un rapport avec un partenaire séropositif
P'1 = 1 - P1, la probabilité de ne pas l'être
Pn la probabilité d'être contaminé à l'issu de n rapports avec ce même partenaire
P'n celle de ne pas l'être.

Ces calculs peuvent être étendus aux cas du multipartenariat. On peut de même calculer les probabilités qu'un séropositif contamine un ou plusieurs partenaires.

Nous ne reprenons dans ce document que les résultats des calculs que nous avons effectués. Nous tenons à la disposition des lecteurs un document plus complet qui précise les limites de ce mode de calculs tenant au fait que les probabilités de transmission sont estimées à partir d'observations statistiques et qu'elles sont supposées constantes lors de chaque rapport d'un type donné entre deux partenaires.

Ces contraintes conduisent à prendre des précautions dans l'interprétation des résultats, mais ne remettent pas en cause la validité du mode de calcul, d'ailleurs couramment utilisé pour mesurer l'efficacité des méthodes de contraception.

Nos calculs ont été effectués, sauf indication contraire, à partir des taux mentionnés dans le document Sida 2010.

1. Probabilité P1 qu'un individu soit séropositif.

Les taux de prévalence (pourcentage d'individus séropositifs dans la population) sont estimés à :

17% pour les homosexuels
2% pour les bisexuels
31% pour les toxicomanes
0,05% pour les hétérosexuels (non toxicomanes)

Les probabilités P1 de rencontrer un partenaire séropositif dans une de ces catégories sont égales à ces taux.

Ceci revient à dire, en considérant les deux catégories extrêmes, que la probabilité d'avoir un partenaire séropositif est 3100/5 = 620 fois plus élevée avec un partenaire toxicomane qu'avec un hétérosexuel.

2. Probabilité P2 de transmission selon la nature et la durée des rapports sexuels.

Les estimations données par nos documents sur ce taux de transmission vont de "inférieur à 1% pour un rapport vaginal" à 1%0 d'après le calcul que nous avons effectué à partir des résultats de l'étude de Vincenzi.

Compte tenu de ces estimations et d'un risque présumé plus élevé lors des premiers rapports, nous proposons de chiffrer un risque " de la première nuit" de la façon suivante :

 

vaginal insertif

1%

vaginal réceptif

2%

anal insertif

5%

anal réceptif

10%

 

Dans le cas particulier du premier rapport vaginal réceptif la rupture de l'hymen ouvre une porte d'entrée au virus. Nous retenons le taux de 50%.

Cela revient à dire que pour la femme le premier rapport vaginal est 25 fois plus risqué que les autres, ces derniers l'étant eux-mêmes 2 fois plus que pour l'homme. Le rapport anal étant supposé être 5 fois plus risqué que le rapport vaginal correspondant.

3. Probabilité P3 de défaillance du préservatif.

A défaut d'avoir trouvé de réfutation de la méta-analyse Weller, nous devons en tenir compte autant que des indications de l'étude de Vincenzi.

Nous prendrons par conséquent comme estimation de taux de défaillance du préservatif la moyenne entre le 31% de l'étude Weller et le 4% correspondant, selon nos calculs, à une chance sur deux qu'il n'y ait pas de contamination dans la cohorte de Vincenzi parmi les utilisateurs réguliers de préservatif, soit 17%. Il s'agit d'une probabilité de défaillance globale, naturellement supérieure à celle résultant de la rupture du préservatif.

4. Le risque de contamination

Le risque P pour un individu sain d'être contaminé varie en fonction des valeurs de P1, P2 et P3 depuis

P = 0,5/1000 x 1/100 x 17/100 = 8,5/10 000 000 qui est celui que supporte la première nuit un homme ayant des rapports vaginaux avec un préservatif et une femme non toxicomane jusqu'à

P = 31/100 x 10/100 = 3,1/100 qui est celui de la première nuit d'un homme ou d'une femme ayant des rapports anaux réceptifs sans préservatif avec un toxicomane.

Le second risque est 36 500 fois plus élevé que le premier.

Si le rapport vaginal avec une femme non toxicomane est sans préservatif, le risque est porté à 5/1 000 000 .

Si le rapport anal avec un toxicomane est avec préservatif, le risque est réduit à 5,3/1000 soit plus de mille fois supérieur au risque précédent.

5. Le risque de propagation

Une épidémie se propage quand un sujet contaminé contamine plus d'une personne, elle régresse quand il en contamine moins d'une.

La capacité de contamination d'un individu est fonction du nombre de ses partenaires, du nombre de ses rapports avec chacun d'eux, de sa ou de ses pratiques sexuelles, du fait qu'il prend ou non des mesures protectrices (préservatif ou retrait).

Une campagne de prévention devrait donc porter sur les trois risques successifs liés :

Quand la campagne de prévention de l'été 95 dit avec 25 capotes on peut avoir 25 partenaires, elle devrait préciser que le niveau de risque est alors le même que celui atteint en ayant 5 partenaires sans capote.

Quand elle affirme "utiliser le préservatif dès la première fois et à chaque fois ensuite, c'est l'adopter" elle devrait ajouter que, pour une fille, le risque de la première fois avec le préservatif est environ 5 fois supérieur à celui des autres fois sans préservatif.

 

3.2 - Les limites du préservatif

Le débat technique sur le préservatif comporte deux aspects. Le premier est de savoir à quel point on peut se fier à lui à titre individuel et le second de savoir si une action de prévention limitée (ou presque) à sa seule préconisation peut suffire à enrayer le développement du sida.

Sur le premier point le débat ne sera jamais épuisé mais l'on peut au moins tenir pour certain que, même si la norme NF est une des plus rigoureuses d'Europe et le taux de rupture éprouvé en laboratoire de l'ordre de1%,

L'on peut naturellement espérer par une éducation appropriée faire baisser ce taux global et c'est d'ailleurs ce à quoi s'emploie le ministère de l'Éducation nationale. Mais, même si nos concitoyens se targuent volontiers de leur habileté au déduit, il ne faut pas plus compter sur une réussite à 100% dans cette matière que dans l'apprentissage de la lecture

Le texte suivant extrait du rapport Sida 2010 illustre bien à sa façon -c'est-à-dire dans une obscurité qui ne permet pas de recouper les chiffres, comme souvent dans ce rapport- l'expérience de praticiens des "problèmes de rupture".

L'enquête de M.-A. Schiltz de 1993 montre cependant que le fait de déclarer une stratégie réputée efficace ne suffit pas toujours à garantir la sécurité. Les trois quarts des répondants utilisent certes des préservatifs de façon plus ou moins régulière mais 16% des répondants ont pris consciemment des risques durant l'année écoulée en ayant eu des "pénétrations non protégées avec un partenaire de statut sérologique différent ou inconnu". La fiabilité des préservatifs continue à poser problème puisque 25% des répondants signalent des problèmes de rupture et les hommes qui utilisent systématiquement le préservatif et qui sont les plus actifs sexuellement font plus souvent cette expérience.

Outre les problèmes de rupture cette citation, donnant les résultats d'une enquête auprès de 3000 homosexuels lecteurs de la presse spécialisée, montre que dans les populations les plus averties le pourcentage d'utilisateurs constants du préservatif plafonne aux environs de 50% (Tel est aussi le cas de la population hétérosexuelle de l'étude de Vincenzi qui recense 124 utilisateurs constants sur 245 couples).

Il est regrettable que les auteurs des deux études que nous venons de citer n'aient pas demandé à ceux qui n'utilisent pas le préservatif les causes de cette abstention.

Sur le second point, nous avons là aussi tenté d'éclairer le débat par des chiffres. La protection par le préservatif est comparable à celle qui consiste, pour ne pas vider ses poches, à jouer des plaques de 1000 F plutôt que des plaques de 10 000 F à la roulette. Cette méthode peut en effet permettre d'atteindre l'heure de fermeture du casino. De même le préservatif peut permettre d'atteindre le terme de sa vie sexuelle sans être contaminé ou sans contaminer, mais il ne le garantit pas.

Mais les chiffres ne résument pas tout et, indépendamment des résultats globaux, la responsabilité des pouvoirs publics est engagée dans les résultats individuels.

A côté de ceux qui auront été "sauvés par le préservatif" a-t-on le droit d'oublier ceux qui auront été contaminés pour avoir cru que "avec le préservatif ils étaient couverts" ?

3.3 - Les pouvoirs publics et le préservatif

Que la politique du tout préservatif exprimée par le slogan "avec la capote je suis couvert" soit néfaste nous paraît certain. Mais avant d'en faire le reproche aux pouvoirs publics, il convient de s'assurer que telle est bien leur politique.

Les éléments déjà présentés dans ce dossier, nous le font penser et les extraits suivants d'une lettre du professeur J.F. Girard, directeur général de la santé au ministère des affaires sociales de la santé et de la ville du 5 janvier 1995 semblent le confirmer : "Toutes les études publiées à ce jour prouvent que, bien utilisé et utilisé systématiquement, lors de chaque rapport sexuel, le préservatif protège de la contamination par le VIH (...) l'article d'I. de Vincenzi publié en août dernier est une preuve supplémentaire de cette efficacité (...) Ainsi les propos mettant en doute la fiabilité des préservatifs apparaissent nuisibles à la prévention et peuvent avoir des conséquences négatives sur le comportement des utilisateurs, conséquences beaucoup plus graves que les rares imperfections techniques éventuellement relevées."

Voilà qui est net, mais cependant le discours peut varier jusqu'à sembler se contredire, comme en témoigne cet extrait d'une lettre adressée à Famille et Liberté par le même professeur Girard et datée du 2 mai 1995.

"A ma connaissance, aucune communication émanant des pouvoirs publics n'a indiqué, ou même laissé entendre, que les préservatifs sont une protection sûre à 100%. Les messages de prévention respectent scrupuleusement les connaissances scientifiques actuelles. Toutes les études publiées à ce jour mettent en évidence que, bien utilisés, les préservatifs sont sûrs, ce qui n'exclut pas les risques liés à de mauvaises conditions d'utilisation ou au non-respect des recommandations d'utilisation. Cependant, ces risques restent très inférieurs à ceux encourus en cas de rapport non protégés.

L'étude à laquelle vous faites allusion, conduite par le docteur Isabelle de Vincenzi et le Groupe de travail européen pour l'étude de la transmission hétérosexuelle du VIH, et publiée en août 1994 par le New England Journal of Medicine, démontre que parmi des couples, dont l'un des partenaires est séropositif, ayant systématiquement utilisé des préservatifs lors de rapports sexuels, aucune contamination n'a été observée, sur une période de deux ans."

C'est naturellement jouer sur les mots que de dire dans certains cas que le préservatif est sûr et de nier dans d'autres avoir dit qu'il était sûr à 100%. C'est abuser le lecteur d'écrire que l'étude de Vincenzi démontre qu'aucune contamination n'a été observée alors qu'elle ne fait que le constater et que ce constat n'a pas le pouvoir démonstratif que M. Girard lui prête.

Aucun cas de contamination n'ayant été constaté dans cette étude chez les couples qui pratiquent systématiquement le retrait, l'on pourrait écrire que cette pratique protège de la contamination par le VIH tout aussi bien que le préservatif.

Ce qui nous paraît sûr c'est que le message des pouvoirs publics est bien perçu comme un message tout préservatif.

Tel est aussi le point de vue de M. Jean de Savigny, secrétaire général de l'Assistance publique, nommé directeur de l'Agence française de lutte contre le sida par M. Bernard Kouchner qui, dans un livre publié en septembre 1995, chez Albin Michel, sous le titre Le sida et les fragilités françaises, écrit (p.43) : "Responsabilité veut dire possibilité du choix, ce qui, on verra, peut paraître antinomique avec des campagnes publicitaires françaises essentiellement axées sur une seule méthode de prévention : le préservatif".

Tel est aussi l'avis du professeur Roger Henrion qui déclare (Le Nouvel Observateur, 21 septembre 1995) : "A mon avis il faudrait sortir d'une prévention exclusivement axée sur le préservatif."