Le Bien et le Mal se valent-ils? Audition de Famille et Liberté par le Comité Consultatif National d'Ethique (CCNE)

Publication : lundi 21 mai 2018 14:04

Introduction

 

Nous remercions le Comité Consultatif National d’Ethique de son invitation à nous entendre dans le
cadre des Etats-généraux de Bioéthique. Famille et Liberté a en effet des choses à dire sur les grands
sujets anthropologiques qui feront l’objet de décisions qui risquent d’être irréversibles et doivent
donc être abordées avec prudence.


Nous avons analysé par écrit chacun des points qui vont être l’objet de la prochaine loi de
bioéthique. Ce document vous a sans doute été remis et nous y reviendrons juste après cette
introduction qui voudrait situer ces débats dans son cadre plus élevé : ce que nous cherchons à
travers ces lois successives.

Le président du CCNE a exprimé l’avis que le rôle de cet organe important était, non pas de
départager entre un Bien et un Mal qui n’existeraient pas mais d’arriver à faire avancer du même pas
la science et la société. Très bien.
Mais avancer vers quoi ? Vers le progrès.
Qu’est-ce que le progrès ? Selon le dictionnaire Larousse, progrès signifie Mouvement en avant.
Augmentation. Développement en bien ou en mal. Le progrès est donc simplement un mouvement.
Les physiciens ajouteraient que tout mouvement a un axe, tend vers un but. Le progrès n’est pas une
fin en soi. Ce qu’il faut définir, c’est vers quoi nous mène ce progrès. Vers quoi tendons-nous ? Que
recherchons-nous grâce au progrès ? Quelle est la finalité ?
Même si tous ne sont pas d’accord sur les moyens d’y parvenir, gageons que la plupart des citoyens
pensent que la finalité, c’est le bien de l’humanité. Le bien de notre société française, le bien-être de
ses habitants. Le bonheur, quoi ! Quoiqu’on en dise, le bonheur est associé au bien. S’il y a un bien,
c’est qu’il y a un mal. Il y a le bonheur, mais aussi le malheur.
Bien sûr, il ne faut pas être manichéen et voir le bien d’un côté et le mal de l’autre. Les choses sont
plus subtiles. Et pourtant, refuser, dans l’exercice de ses responsabilités – CCNE, législateur,
responsables à divers niveaux, associations comme la nôtre – de dire ce qui est bon ou n’est pas bon
pour l’homme, pour la nation, pour la civilisation, c’est s’exonérer de toute responsabilité dans ce
qu’il adviendra.
Que l’on croit ou non au bien et au mal, pour l’opinion commune, les lois définissent ce qui est bien
et ce qui est mal. Avec toutes les nuances possibles. La preuve, c’est que ceux qui désobéissent aux
lois vont en prison, ou payent une amende. Ils ont mal agi, ils ont fait le mal. Ce que le législateur
légalisera dans le domaine de la bioéthique sera considéré comme une avancée de l’humanité et un

bien. Et lorsqu’il décide que telle pratique est un bien, elle devient un droit et dire son contraire
devient un mal.
Ceux qui respectent les limitations de vitesse agissent bien, ceux qui les outrepassent agissent mal et
sont punis.
Revenons-en à la définition du Larousse : le progrès, c’est le développement en bien ou en mal. Le
progrès n’est pas neutre. La vraie question a été posée par G. Orwell : « Quand on me présente
quelque chose comme un progrès, je me demande avant tout s’il rend plus humain ou moins
humain ».

On peut être pour ou contre la PMA, la GPA, l’euthanasie, ou la recherche sur les embryons, même
avec des nuances et précautions, mais on ne peut pas dire qu’on est neutre.
Les décisions qui vont être prises, avec l’aval du CCNE dont le président de la République avait dit
qu’il écouterait attentivement les avis, auront des conséquences décisives, non pas sur le progrès,
mais sur la direction de ce progrès et donc l’avenir de l’humanité.

- On entend qu’ « Il n’y aurait pas de ligne rouge, […] pas de limite ». Mais pourquoi alors nous
rassurer –en même temps - avec la promesse trompeuse d’une GPA éthique, censée
encadrer la GPA pour en limiter les conséquences mauvaises ? En même temps qu’on nous
fait discuter sur cette proposition rassurante, le rapport de l’ONU sur les ventes d’enfant,
présenté début mars, a trouvé la bonne façon de concilier GPA et éthique : prendre soin de
stipuler dans le contrat de GPA que ce n’est pas l’enfant qui est vendu, mais sa gestation.
Il n’existe pas plus de GPA éthique qu’il ne saurait exister d’esclavage éthique ni de marché des
enfants éthique. Cet argument est tellement irréfutable que des gens aussi différents que les Juristes
pour l’Enfance, Sylviane Agacinski ou la fondatrice des gouïnes rouges pour laquelle «il n’existe pas
plus de GPA éthique que de droit à l’enfant » sont d’accord sur le fait qu’existent des principes
intangibles. Depuis l’abolition de l’esclavage, le Code Civil exclut que l’on puisse disposer du corps
humain et de l’état des personnes.

- « Si la technique le permet, c’est bon » entend-on aussi. Sommes-nous sûr de vouloir nous
soumettre en tout au règne de la technique
Sommes-nous bien sûrs de vouloir être bordé, au soir de notre vie, par un robot au regard vide ?
Sommes-nous sûrs qu’il soit bon de faire tout ce qui est possible ? ? Autrement dit, de ne
rien s’interdire, car, par définition, de toutes façons on ne fait que ce qui est possible.

Et que ferons-nous lorsque les algorithmes, de plus en plus intelligents, pourront se passer de notre
pouvoir de décision ? Qu’en sera-t-il de notre liberté ? De notre sécurité ? Est-ce cela que nous
voulons
- Est-il bon de considérer la réalisation de tous les désirs comme un impératif ? Est-ce à dire
que lorsque des individus désirent un enfant, il faut le leur fournir, mais que lorsqu’ils n’en
voudront plus, parce qu’il ne se conformera pas à leurs désirs ou bien parce qu’il finira par
être encombrant, leur désir d’en être débarrassé sera aussitôt satisfait par le re-homing,
appelé aussi l’adoption de la seconde chance, (1/4 des enfants adoptés aux USA. 25 000
chaque année). C’est le «désir » des parents adoptifs.
Un désir ne crée pas un droit. Satisfaire un désir, c’est en créer d’autres. Ne pas mettre de limite
aux désirs crée une Insatisfaction croissante. Nous en voyons déjà les résultats dans une jeunesse
déboussolée par l’interdit d’interdire. D’autant que très vite les désirs des uns s’opposent à ceux des
autres et l’on fracture la société en une cascade d’antagonismes.
Sans parler de l’exploitation marchande des désirs, suscités, exacerbés et exploités par les
industries.
Sommes-nous bien sûrs que ces désirs soient vraiment l’expression de notre libre-arbitre ?
Ne sont-ils pas plutôt le produit dérivé d’un conditionnement culturel et marchand auquel il faudrait
succomber ?
Ne pas fixer des repères intangibles revient à ouvrir la porte à toutes les dérives. Eugénistes, racistes
et toute une kyrielle de discriminations. Cela conduit aussi à tellement relativiser le bien et le mal
que rien n’empêchera les plus forts d’asservir les plus faibles. On imagine très bien par quel
enchaînement relativiste ont pu s’affirmer des Lénine, Staline, Hitler ou Pol Pot. Ceux qui naîtraient
aujourd’hui auraient, du fait des progrès techniques, une puissance infiniment plus grande. Est-ce
bien ce monde que nous voulons ?

Rappelons-nous que «qui veut faire l’ange fait la bête ».
Icare, voulant défier les lois de la nature et s’élever toujours plus haut par ses propres forces, s’est
écrasé lamentablement.
L’homo sapiens, se voulant homo deus risque de retomber au Neandertal, voire même, à
l’extinction de l’espèce.
Ces orientations sont entre vos mains, mesdames et messieurs.
Nous faisons appel au sens de la responsabilité des sages du Comité consultatif national d’éthique
pour anticiper les conséquences à moyen comme à long terme des décisions qui seront prises en
termes de bioéthique. «Pour que les progrès nous rendent tous plus humains ».

 

Claire de Gatellier