Contribution écrite aux Etats généraux de bioéthique 2018

Publication : lundi 21 mai 2018 14:45

Contribution aux Etats Généraux de Bioéthique 2018

 

Synthèse écrite remise à la

Commission Consultative Nationale d'Ethique (CCNE)

 

Famille et Liberté existe depuis 22 ans et a pour but de promouvoir le corps social le plus naturellement intermédiaire entre l’individu et la société : la Famille. Celle-ci est en effet le lieu où le petit homme grandit et structure sa personnalité en découvrant le monde et les liens de toute nature qui le portent vers autrui.

Notre association, qui se veut force de proposition, réalise des études et organise des colloques sur les différentes questions concernant la famille et les conditions dans lesquelles elle vit. Elle a publié en Novembre 2016 un « livre blanc » pour une nouvelle politique familiale, dont vous trouverez en PJ la version PDF.

 

Chacune des possibilités ouvertes par les progrès de la science – et les questions de bioéthique qu’elle peut poser – doit être, selon nous, envisagée sous l’angle de son impact sur l’homme : favorise-t-elle ou non une amélioration de sa condition ? Est-elle gage de la liberté qui est le propre de la condition humaine ou bien menace d’asservissement et de marchandisation ? L’avenir qu’elle dessine est-il celui que nous souhaitons pour nos enfants ?

 

Nous prendrons donc ce fil conducteur pour chacun des thèmes débattus par les Etats Généraux de bioéthique et qui figurent dans le message qui nous a été adressé par le CCNE.

 

 

1 Génétique et génomique.

La technique révolutionnaire du CRISPR/CAS9 permettrait de soigner à faible coût certaines maladies génétiques en supprimant, modifiant ou insérant une séquence d’ADN. Mais ces modifications effectuées sur des cellules germinales seront irréversibles et transmises à la descendance de la personne soignée, alors qu’en l’état actuel de la connaissance scientifique on n’en maîtrise pas parfaitement le processus et que rien ne garantit l’absence de réactions en chaîne et d’effets secondaires. Qui s’assurera, en outre, que ces modifications ne seront pas effectuées pour satisfaire un désir arbitraire ou pour discriminer des « qualités de vie », en excluant des catégories d’êtres humains ?

Une très grande prudence dans l’utilisation de cette technique, et plus encore vis-à-vis de sa généralisation nous semble donc s’imposer.

 

 

2 Transplantations d’organes.

Les transplantations d’organes sauvant des vies, il est tentant de les réaliser, même un peu hâtivement. Mais qui s’arrogera le droit de décider qui vit et qui meurt ? Les dérives constatées en Belgique, où des médecins envisagent de solliciter le don d’organes de personnes « volontaires » pour être euthanasiées, y compris en les prélevant sous anesthésie générale –c’est-à-dire sur des donneurs encore vivants - pour garantir leur bon état, doivent faire réfléchir.

 

 

 

 

 

 

3 Intelligence artificielle et robotisation, neurosciences.

Au service de l’homme et maîtrisée par lui, l’intelligence artificielle est un outil libérateur. Mais elle peut aussi servir la volonté de puissance de quelques-uns pour asservir les autres.

Il en est de même pour les neurosciences qui, en nous dévoilant comment fonctionne notre intelligence et que chaque être humain a son « mode d’emploi », peuvent aider grandement au développement personnalisé du plus grand nombre. Mais elles peuvent aussi permettre la manipulation de ce grand nombre par quelques-uns. C’est pourquoi, dans ces deux domaines, il importe d’encourager la connaissance de leurs ressorts pour éviter d’y être asservis ou de tomber sous la tutelle de ceux qui les maîtrisent.

 

C’est aussi pourquoi, avant de placer enfants ou écoliers devant des écrans -avec lesquels ils sont souvent plus à l’aise que nous - il importe de mettre en place leurs circuits neuronaux par des apprentissages scolaires éprouvés, la pratique de l’analyse et de l’intériorisation des connaissances, et une bonne maîtrise de l’expression verbale et écrite. Une fois ces processus mis en place, les adolescents pourront bénéficier de l’apport fabuleux du monde numérique, en en étant les acteurs et non les esclaves : il faut pour cela qu’ils découvrent, en même temps que les facilités qu’il octroie, les pièges qu’il recèle ; qu’ils apprennent à coder eux-mêmes et à créer des algorithmes, qu’ils comprennent d’où viennent les informations et la portée de celles qu’ils diffusent. Et cela pas seulement de façon théorique mais avec des applications très pratiques ; c’est beaucoup plus utile que de faire un devoir d’histoire grâce à internet.

 

 

4 Cellules souches, développement embryonnaire. Début et fin de vie.

L’utilisation de cellules souches embryonnaires pour guérir certaines maladies n’a toujours pas donné, après une quinzaine d’années de recherche, les résultats espérés.

En revanche, les recherches sur les cellules souches adultes, provenant en particulier du cordon ombilical et de son sang, ont permis de traiter leucémies, brûlures, lésions…

 

La découverte, en 2012, par le prix Nobel Yamanaka, de la possibilité de reprogrammer des cellules souches adultes en cellules diversifiées d’autres organes (cellules souches pluripotentes induites) ouvre un champ beaucoup plus large de traitements, et sans le problème éthique que pose la recherche sur l’embryon. Celui-ci est-il ou non un être humain ? Les découvertes de la génétique et les progrès de l’imagerie médicale ont confirmé ce que la raison suggérait : un embryon est « un être humain en devenir », comme le sont le bébé, l’enfant, et chacun de nous.

 

La question s’est déportée : l’être humain a-t-il une dignité qui le rendrait sujet de droits et de devoirs, qui forcerait le respect et induirait certaines règles de conduite vis à vis de lui ? Ou cette dignité est-elle soumise à conditions ? Et l’homme qui, sous l’effet de la maladie ou de la vieillesse voit ses capacités s’altérer ne mérite-t-il plus totalement le qualificatif d’humain ?

Qui alors édictera ces conditions ? Sur quels critères ? « L’utile » ou « l’inutile », le coût pour la société, la loi du plus fort ?

 

Ces questions sont au cœur du douloureux débat sur la fin de vie. Depuis la préhistoire, l’une des choses qui distinguent absolument l’homme de l’animal est la capacité de l’homme à prendre soin des plus faibles, handicapés, grands malades, personnes âgées et dépendantes ; la civilisation a consisté à respecter d’abord le premier des commandements, « tu ne tueras point ».

 

Notre société cède parfois à l’ambition prométhéenne de supprimer imperfections et fragilités ; c’est oublier que si l’homme est un être de relation, c’est précisément parce qu’il est incomplet : la fragilité humanise l’autonomie. En acceptant sa vulnérabilité, l’homme reconnaît avoir besoin des autres, accepte une certaine dépendance. Il peut alors découvrir la valeur du don et surtout de la gratitude.

 

La vraie solidarité humaine ne consiste pas à abréger la vie de ces personnes affaiblies ou dépendantes mais à leur apporter, outre de quoi calmer leurs douleurs physiques, ce que la médecine sait aujourd’hui très bien faire, la chaleur humaine dont elles sont souvent privées, notamment du fait de la dislocation de trop de familles.

 

 

5. Reproduction.

La reproduction humaine est avant tout une affaire privée. Mais il est clair, depuis qu’existent des études démographiques, que les Etats ont, par les mesures qu’ils prennent ou non en faveur de la famille, une influence directe sur les choix privés. Le professeur Gérard-François Dumont, qui fut le proche collaborateur du « père » de la démographie française, Alfred Sauvy, et préside la revue Population et Avenir, vient de publier une étude fort intéressante sur la situation française de 1975 à aujourd’hui. Elle montre qu’à chaque fois qu’ont été prises des mesures favorables aux familles la natalité s’est redressée, et qu’à l’inverse elle a baissé lorsque ces mesures ont été réduites ou supprimées.

 

A peu près tous les démographes tirent aujourd’hui la sonnette d’alarme sur « l’hiver démographique » qui frappe l’Europe, très loin du taux nécessaire au maintien de sa population (2,1 enfants par femme) ; déclin qui depuis trois ans touche aussi la France. Il faudrait, comme le préconise une analyse récente et convaincante de la fondation Robert Schuman signée de MM Boussemart et Godet, « pour rester ouvert au monde, relancer la fécondité en Europe dès maintenant. » C’est d’autant plus vrai pour la France que l’écart significatif entre le nombre réel d’enfants par femme (1,88) et le nombre d’enfants souhaités (2,5) illustre le résultat que pourrait avoir une politique favorable aux familles. Il est temps, encore temps, mais pour bien peu de temps.

 

 

6. Environnement.

La nécessité de respecter l’environnement, ne serait-ce que pour laisser à nos enfants une terre qui soit source de vie et de beauté n’est heureusement plus contestée. Mais il faut se rappeler :

- d’abord que la nature est faite pour l’homme et non l’inverse. Il est le maître de la nature car son intelligence lui en fait comprendre les mécanismes et parce que sa volonté lui permet d’atteindre les buts que la première lui fixe ;

- ensuite que l’homme lui-même est, dans sa finitude, soumis à des lois (biologiques, psychiques..) qu’il doit également respecter s’il ne veut pas créer un désordre contraire à son épanouissement.

 

7. Procréation médicalement assistée /  Grossesse pour autrui

Ces lois sont mises en cause par la PMA et la GPA.

La Convention Internationale des Droits de l’Enfant affirme (art 7) « le droit de l’enfant, dans la mesure du possible, de connaître ses parents et d’être élevé par eux ».

Or la PMA, pour les couples de femmes, prive l’enfant du fondement de sa filiation biologique, en effaçant sa lignée paternelle, et d’un père pour son éducation. Si elle était acceptée, elle aurait pour effet, au nom de l’égalité homme/femme de légitimer à court terme la GPA. Celle-ci, en plus de priver l’enfant de sa lignée maternelle, en fait une « marchandise » commandée pour satisfaire le désir de ses commanditaires. Quelles que soient les intentions de ceux-ci et de ceux qui le « fabriquent », c’est un achat d’enfant ; il est ainsi placé dans une situation d’abandon en le séparant de la femme qui l’a porté, alors même que la science met de plus en plus en évidence l’importance du lien tissé « in utero », et le risque est pris de provoquer chez lui un traumatisme majeur.

 

En outre, pour la mère porteuse, en plus des risques physiques et psychiques liés à toute grossesse, on instaure une marchandisation de son corps. C’est un nouvel esclavage, d’autant plus pernicieux que la victime ne se plaint pas. Le discours de la GPA « éthique », c’est à dire sans contre- partie financière, est mensonger. Outre qu’il sera impossible de vérifier cette absence de contre- partie, la GPA est par définition contraire à l’éthique. La GPA éthique n’existe pas.

 

 

 

 

 

 


A toutes ces raisons de fond qui nous font exprimer les plus expresses réserves quant à des « ouvertures » législatives sur ces questions anthropologiques, s’ajoute une évidence enseignée par l’expérience : toute brèche en ces matières ouvre la voie à des transgressions de plus en plus contraires à la dignité spécifique de l’être humain. Citons simplement, comme exemple, l’évolution de la législation concernant la recherche sur l’embryon ; loi de bioéthique de 2004 : interdiction sauf dérogations ; loi de bioéthique de 2013 : autorisation sous conditions ; décret de 2015 : élargissement des conditions. De fait, la recherche sur l’embryon, dont il faut rappeler qu’il est « un être humain en devenir », est légitimée. Quel sera d’ailleurs le sort des 220.000 embryons « surnuméraires » ? Sont-ils seulement un « matériau » disponible pour la recherche ?

 

A l’heure où l’on se préoccupe tant, et à juste titre, de la protection des animaux, il nous semblerait paradoxal qu’elle ne soit pas aussi accordée à l’être humain, quel que soit son stade de développement et son âge.

 

 

Le Conseil d’administration de Famille et Liberté